Full text of "Grétry"
Hulst, Félix Alexandre
Joseph van
Gretry
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GRÉTRY,
FELIX VAN Hl'LST.
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GRÉTRY,
FÉLIX VAN HULST.
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FÉLIX OUDART, ÉDITEUR
KVE DU CRUCIFIX, 10.
1842
L
9
1871
et
MA BONNE MÈRE.
GRÉTRY.
La renommée des œuvres de Grétry a survécu à
toutes les vicissitudes qu'a subies depuis cinquante
ans la composition musicale, et les faits de sa vie
privée, qui intéressent le public, parce qu'ils se rap-
portent à l'art auquel il fit faire tant de progrès ,
il les a racontés lui-même , dans ses Mémoires ,
d'une manière piquante et qu'il serait bien difficile
de reproduire dans une notice. Il est néanmoins
GRETRTf.
peu d'illustrations contemporaines ou récentes
qui aient été déjà plus souvent célébrées que la
sienne. Outre les éloges prononcés le jour de
ses funérailles par Aignan et Gavaudan, par Bouilly
qui tenait un des quatre coins du poêle et par
un musicien belge bien digne de louer Grétry ,
car il y avait plus dïm genre de fraternité entre
l'auteur à' Euphrosine et de Joseph et celui de
Richard, nous avons, pour ne citer que les plus
connues , une vie de Grétry , par Amar , insé-
rée au Moniteur du trente septembre 1815 ; une
autre publiée en 1814 par Joachim Lebreton , secré-
taire de la classe des beaux-arts de l'Institut royal
de France ; celle de M. Pujoulx , dans la Biographie
Universelle; celle de la Biographie nouvelle des
Contemporains par Arnault, Jay, Jouy et Norviiss ;
le travail très-remarquable que M. de Gerlache a
publié en 1821 , sous le titre d'Essai sur Grétry.,
à la suite du procés-verbal de la séance publique
de la Société d'Émulation ; le recueil des discours
prononcés en 1829 à l'occasion de l'arrivée du cœur
de Grétry à Liège, recueil dans lequel on distingue
parliculièremenl ce qu'ont dit, au nom de la Société
GRETRIT. 7
d'Emulation^ M. Charles Rogier, et au nom de la
Société Grétry , M. Renard-Collardin • nous avons
enfin l'importante notice que M. Fétis a faite pour
sa Biographie universelle des Musiciens , et celle de
M. Edouard Fétis pour les Belges illustres du Pan-
théon national ; Grétry en famille^ etc., etc.
Mais la plupart de ces ouvrages tiennent à des re-
cueils très-dispendieux et dont quelques-uns même
seraient très-difficiles à se procurer aujourd'hui :
c'est ce qui nous a déterminé à puiser à ces diverses
sources , pour publier à part une notice qui fût à
la portée de tout le monde, et quoique nous ayons
eu communication de beaucoup de lettres inédites
de Grétry, dont le lecteur s'apercevra bien que nous
avons fait un assez fréquent usage ; venu après tant
d'autres, nous n'aspirons aucunement au mérite de
l'originalité, et nous croirons avoir fait œuvre suffi-
samment utile si l'on trouve que nous avons assez
bien résumé et coordonné ce que Ton a dit avant
nous , si l'on range cet opuscule parmi les bonnes
compilations.
Tl est bien peu de Liégeois, et grâce au chemin
de fer, on pourra bientôt dire qu'il est, dans la
o GRETRY.
classe lettrée, peu de Belges, qui n'aient été voir ,
avec respect , clans l'un des recoins les moins am-
bitieux de l'antique quartier d'Outre-Meuse, la mo-
deste demeure où naquit le il février 1741 André-
Erînest-Modeste GRETRY.
Il appartenait à une famille honnête mais pauvre:
son père, premier violon de la collégiale de Saint-
Denis, l'y avait fait recevoir enfant de chœur dès l'âge
de six ans : mais cette première éducation musicale
fut, selon l'usage du temps, un bien pénible et bien
rude apprentissage. L'intelligence de cet enfant qui
devait briller un jour si vive et se faire remarquer
par le philosophe de Ferney lui-même, rebutée alors
par de mauvais traitements, semblait refuser de se
produire sous un régime pédagogique si peu inspi-
rateur, et sa frêle constitution paraissait ne lui pro-
mettre aucun avenir, quand un accident , qui pou-
vait lui coûter la vie , vint toul-à-coup développer
ses facultés endormies. Une solive du poids de trois
à quatre cents livres lui était tombée sur la tête : le
crâne «avait reçu , comme on le conçoit de reste ,
une assez forte lésion; mais, au milieu des souf-
frances qu'il éprouvait, pendant le traitement auquel
GRETRY. 9
il fut assujetti , il prétendit dès lors voir beaucoup
plus clair dans ses idées, et c'est lui qui nous ap-
prend que son goût pour la musique devint très-vif,
et qu'il comprit avec netteté ce qui lui avait paru jus-
ques-là enveloppé de nuages. Confié aux soins d'un
professeur habile nommé Leclerc (qui fut depuis
maître de musique à la cathédrale de Strasbourg)
cet enfant à qui Ton ne permettait plus de chanter
aux offices de Saint-Denis, même dans les chœurs,
ne tarda pas à faire d'étonnants progrès , grâce à la
bienveillance éclairée de ce maître qui avait com-
pris son caractère , et bientôt le séjour d'une troupe
italienne à Liège vint seconder puissamment les
soins déjà si heureux de Leclerc. Cette troupe
jouait principalement les opéras de Pergolèse , et
Ton conçoit que la tête organisée pour créer cette
musique expressive que M. De Gerlache a si bien
caractérisée en disant qu'e//e rappelle les paroles et
que les paroles la rappellent , devait tressaillir
d'aise et se sentir comme au milieu d'un élément
fait pour lui , quand il entendait exécuter les mé-
lodies aujourd'hui encore si naturelles et si vraies
de la Serva padrona. Le père de Grétry avait ob-
10 GRETRY.
tenu pour lui , du directeur , une entrée à l'or-
chestre, où il assista pendantun an, comme il nous
l'apprend lui-même à toutes les représentations, sou-
vent même aux 7*épctitio?is. Son père crut alors que
le moment était venu de réhabiliter publiquement
la réputation du jeune chanteur expulsé des
chœurs de Saint-Denis. Sûr de triompher , quand il
aura fait connaître l'expression remarquable que
l'enfant savait donner à son chant , il va trouver le
maître de musique de Saint-Denis, le prie de laisser
chanter un motet par son fils le dimanche suivant.
Le maître représente au père qu'il est dangereux
d'exposer une seconde fois cet enfant , d'autant
plus que les chanoines prendront sûrement le parti
de le renvoyer tout-à-fait , s'il échoue. « J'y con-
» sens , dit le père , s'il ne chante pas mieux que
» tous les musiciens de votre collégiale. » Ce ton
d'assurance fait accepter la proposition, sans tou-
tefois inspirer une grande confiance au maître de
musique. Le motet qu'avait entrepris le jeune
Grétry était un air italien arrangé pour ces pa-
roles latines adressées à la Vierge :
Non semper super prata
Casta florcscit rosa.
GRÉTRY. 11
A peine a-t-il chanté quatre mesures, que l'or-
chestre s'éteint jusqu'au pianissimo, dans la crainte
de perdre une de ses intonations: les chanoines
accoutumés aux sons monotones , nasillards et
heurtés des autres enfants de chœur , se lèvent
étonnés , dans leurs stalles , cherchant des yeux
celui qui se distingue ainsi • les camarades qui l'en-
touraient ont déjà fait autour de lui un cercle que
leur respect croissant agrandit à chaque mesure
qu'il chante. Il avait commence' par jeter un coup-
d'œil sur son père, qui lui avait répondu par un
sourire d'encouragement: parvenu au milieu de
son morceau, du haut du jubé, il aperçoit dans la
nef sa mère qui pleure d'attendrissement envoyant
l'effet que produit son fils , et lui , s'exaltant en-
core à la vue des larmes de sa mère , trouve dans
sa voix des ressources inconnues , et des sons de
plus en plus pénétrants. Les chanoines sont telle-
ment préoccupés qu'ils restent debout au lever-
Dieu. Dès que le motet est fini , chacun s'empresse
autour du père pour le féliciter. On parlait si haut
que l'office aurait été interrompu, si le maître do
chapelle n'eût imposé silence.
12 GRÉTRY.
Ce petit triomphe fit du bruit. Les chanoines en
parlèrent à la représentation du soir : on s'en en-
tretint même dans la loge du Prince-Évêque et
Rennekin, organiste de la collégiale, consentit à en-
seigner les principes de l'harmonie au jeune
virtuose , à qui bientôt après , Moreau, maître de
chapelle de Saint-Paul donna des leçons de
contrepoint. Dès le premier jour, Grétry s'était
avisé de porter à Moreau une messe que, sans
principes , sans guide , sans aucune connaissance
des règles de la composition, il avait presque
entièrement achevée. Moreau ne daigna pas seule-
ment jeter les yeux sur sa messe : « Reprenez-moi
»cela, lui dit-il; ajoutez-moi une partie de chant
»à cette basse (c'étaient cinq ou six rondes écrites
«sur un morceau de papier) et surtout ne composez
»plus de messes. »
Mais la lenteur de cette méthode, utile quand
elle est appliquée à un âge où l'imagination ne
fermente pas encore , ne pouvait convenir au pré-
coce virtuose qui , encore enfant rêvait déjà
rOpéra-bouffe-français. en entendant la Séria pa-
drona de Pkrgolèse. et en qui le besoin de produm
GRETRY. 18
était stimulé par les succès du chanteur. « Je n'eus
«pas assez de patience pour m'en tenir à mes
»leçons de composition, dit-il: j'avais mille idées
»de musique dans la tête, et le besoin d'en faire
»usage était trop vif , pour que je pusse y résister.
» Je fis six symphonies : elles furent exécutées dans
» notre ville avec succès. »
En composant sa messe Je jeune Grétry avait
été encouragé par l'espoir d'obtenir du chapitre de
Saint-Paul , un secours pécuniaire pour aller per-
fectionner son éducation musicale à Rome. Son
maître de contrepoint lui-même, Moreau, sentit la
nécessité de se départir de la sévérité de sa méthode
pour céder au génie de son écolier : bientôt il se
mit à corriger soigneusement sa messe: Grétry
avoue qu'on y trouva bien des fautes contre la
composition- mais pas une seule contre l'expression,
ajoute-t-il avec une satisfaction naïve. L'un des
Mécènes les plus zélés qu'eût rencontrés Grétry,
était le chanoine De Harlez : celui-ci fit part au
chapitre du projet de son jeune protégé : il en
obtint l'ordre de faire exécuter la messe à la pro-
chaine solennité et l'octroi de la gratification si
vivement désirée par le compositeur.
14 GRETRY.
Voilà donc notre jeune musicien, au comble de la
joie. Sur la fin de Mars 1759 , il part , à pied, le sac
sur le dos, en compagnie d'un colporteur qui
faisait chaque année deux voyages en Italie et qui
se chargeait de conduire les jeunes gens que leurs
familles envoyaient étudier à Bologne ou au collège
liégeois à Rome. C'est ainsi qu'il parcourut une
partie de l'Allemagne et entra en Italie parle Tyrol ;
mais écoutons-le raconter lui-même l'impression que
produisit sur cette âme ardente le pemier aspect du
beau ciel de l'Italie : « La nature avait changé de
» face en un moment: avec quel plaisir je metrou-
» vai tout-à-coup dans une prairie émaillée de fleurs !
» On eût dit qu'un génie bienfaisant nous avait
)> transportés de la terre aux cieux: je priai le mes-
» sagerde me laisser jouir un moment de ce déli-
» cieux aspect; mais quel fut mou ravissement lors-
» que j'entendis pour la première fois depuis si long-
» temps des chants italiens. C'était une voix de
» femme , une voix charmante qui me transporta
)> par ses accents mélodieux. Ce fut la première le-
» eon de musique que je reçus dans un pays où je
» courais m instruire. Cette voix douce et sensible.
GRÉTRY. ,5
» ces accents presque toujours douloureux qu'inspire
» l'ardeur d'un soleil brûlant; ce charme de l'âme,
» enfin , que j'allais chercher si loin, et pour lequel
» j'avais tout quitté , je les trouvais dans une simple
» villageoise. »
Grétry arriva donc dans la capitale des arts , à
l'âge de 18 ans (1759) précisément à l'époque où
Piccim continuait , en le perfectionnant par des
chants plus suaves encore , le genre naturel < a t gra-
cieux à la fois de Pergolèse. Toutes les sympathies
de Grétry pour ce genre, qu'il refit en quelque sorte,
lorsque plus tard il l'adapta au goût français , se
réveillèrent nécessairement en lui plus vives , plus
impérieuses qu'elles ne l'avaient jamais été: il eut
néanmoins la sagesse bien remarquable de prendre
tout de suite un maître de contrepoint, CASALi,dont
il suivit assidûment les leçons pendant quatre ou
cinq ans.
II se mit ensuite à composer des scènes déta-
chées et des symphonies qui furent jouées avec suc-
cès dans les salons des amateurs les plus distin-
gués , et qui lui valurent un engagement pour le
théâtre Alhcrli. Le Directeur le chargea de mettre
10 GRETRY.
en musique pour le carnaval, deux intermèdes qui
eurent le plus grand succès : h Vendemiatrici ( les
Vendangeuses). Le public romain accueillit avec
enthousiasme les essais du jeune compositeur
liégeois : l'auteur de la Cecchina lui-même ( Piccini )
applaudit à des succès qui n'étaient pas, disait-il,
cherchés dans les voies battues. Mais, comme toutes
les grandes joies doivent avoir leurs retours assez
tristes , le soir même de son triomphe il trouva en
rentrant chez lui l'ordre de se rendre immédiate-
ment chez le gouverneur de la ville. Bien que sa
conscience ne lui reprochât rien qui pût lui faire
craindre l'animadversion de la police , ce ne fut pas
sans une sorte de répugnance qu'il se résolut à obéir.
Le gouverneur lui déclara qu'il avait encouru une
amende de cent sequins ( cinquante louis ) , pour
avoir manqué à l'ordonnance en laissant répéter
au théâtre un morceau de musique , avant que le
représentant de L'autorité y eût donné son assenti-
ment, ce qu'il manifestait en laissant tomber un
mouchoir blanc sur le bord de sa loge. « Hélas .
» monseigneur ! repartit Grétry , j'étais si loin de
o penser que je méritais les honneurs du mouchoir.
» que je n'y ai pas pris garde. »
GRÉTRY . 1 7
Le gouverneur ne pul s'empêcher de rire , el lui
adressa ensuite plusieurs questions sur la manière
dont il vivait au collège liégeois : satisfait des ré-
ponses du jeune compositeur : « Allons, lui dit-il
» en le congédiant d'une air riant: je ne veux pas
» qu'une amende vienne troubler votre triomphe :
» mais une autre fois soyez plus exact. »
Après le succès des Vendemiatrici , les parents
de Grétry impatients de jouir de ses progrès le
pressaient de revenirà Liège, où une place de maître
de chapelle était devenue vacante. Il envoya un
morceau de sa composition pour le concours,
et obtint la place; mais il ne put se décider à
partir.
Cependant la comédie italienne , à Paris, subis-
sait aussi cà la même époque des modifications qui
préparaient les voies à Grétry. L'entrain spirituel
de Duni , la verve inégale mais naturelle de Philidor
et les gracieuses naïvetés de Monsigny donnaient à
l'opéra comique français des alkvres qui le dispo-
saient à recevoir sans effort l'application des mélo-
dies variées dont Grétry s'apprêtait à l'enrichir. Ce
fut une pièce de Monsigny qui révéla au compositeur
18 GRETRY.
liégeois le genre vers lequel il se sentait appelé ,
sans avoir pu le distinguer nettement jusques-là.
Un attache' à l'ambassade de France à Rome y avait
apporté la partition de Rose et Colas : Grétry la vit,
la relut avidement, et frappé de l'accord que lui
offrent, à chaque mesure, la déclamation naturelle
des paroles et la marche mélodique de la phrase
musicale, ou, en d'autres termes, le sens des mots
et la progression du chant , il est enfin convaincu
que le français est, comme l'italien, susceptible detre
chanté naturellement : il a reconnu le genre dans
lequel il s'exerçait sans le savoir et il prend la réso-
lution d'aller chercher à Paris des paroles qui puis-
sent s'y accommoder aussi bien.
N'ayant pour trésor que son talent Grétry fut
forcé de s'arrêter à Genève, pour y amasser de quoi
continuer son voyage. L'éloquente diatribe de Jean-
Jacques contre les spectacles n'avait pas empêché
d'y établir une salle qui était assez fréquentée.
Grétry refit, pource théâtre, la musique d'un opéra
de Favart, Isabelle et Gcrirude, qui venait dëtrejoué
à Paris avec la musique d'un compositeur dont le
nom est aujourd'hui oublié (Blaise). L'opéra de
GRETRTf. 19
Grétry fut joué avec succès et eut même six repré-
sentations , ce qui est beaucoup pour une petite
ville comme était alors Genève.
La réussite de cette pièce donna lieu à une
anecdote assez plaisante. A la suite de la première
représentation les jeunes gens de Genève, fidèles
imitateurs des usages de Paris , avaient demandé à
grands cris l'auteur, qui s'était tenu coi dans un
coin malgré l'émotion de plaisir que lui procurait
naturellement son triomphe. Le matin de la seconde
représentation , Grétry reçoit la visite d'un gascon
établi à Genève depuis quelque temps. «Monsieur,
»lui dit le visiteur, je sais que notre jeunesse vous
»fera violence si vous refusez de lui donner la satisfac-
tion de vous applaudir sur les planches. » — Mais
Monsieur, à Rome,, pays de la musique , jamais au-
teur ne s'est montré sur le théâtre. — « Mon cher
«Monsieur, Genève ne prend jamais exemple de
«Rome. Point de fausse honte : peut-être ne savez-
»vous pas faire la révérence..? Je suis le premier
«maître de danse du pays , comme vous êtes le pre-
»mier maître de musique... Vous devez paraître ce
r> soir • permettez-moi d'avoir l'honneur devons
20 GRETRY.
» montrer... » Grétry était de trop bonne humeur
pour ne pas bien prendre la chose : ilselaissa faire.
Le soir venu , les applaudissements avaient redou-
blé, et, la pièce finie, les Genevois crient à tue-tête :
L'auteur ! L'auteur ! Le jeune liégeois s'avance timi-
dement sur la scène : au milieu des bravos on dis-
tinguait dans le parterre une voix qui criait :
Avancez donc — ce n'est pas cela — allons donc! etc.
allons donc, etc. C'était le gascon du matin . «Qu'avez-
»vous ? lui dit un voisin impatienté. — Eh !
»mon Dieu! ne voyez-vous pas qu'il a gâté son
«entrée: est-il possible d'être si gauche? figurez-
»vous que je suis allé chez lui, ce matin, tout
«exprès , pour lui apprendre à saluer : je serais
» perdu si on le savait : un élève si bête ! »
Comme Grétry donnait des leçons de musique .
les femmes les plus distinguées de la ville vou-
lurent lavoir pour maître; en sorte qu'il acquit
en fort peu de temps une certaine aisance. Voltaire
était alors retiré àFerney : Grétry lui écrivit pour lui
demander un poème. L'auteur de Zaïre , de Ma-
homet , de Mérope , avait bien quelques motifs d'en
vouloir un peu à la vogue de l'opéra comique, qui
GKÉTRY. 21
faisait courir alors tout Paris et détournait l'atten-
tion publique de la scène qu'il avait enrichie de lanl
de chefs-d'œuvre. Les justes préventions du poète se
turent néanmoins en présence du musicien homme
d'esprit , comme il l'appela dans la première en-
trevue. Il prédit de beaux succès en France à ce
jeune homme qui tenait de la nature et de son pays
quelque chose du caractère et de l'esprit fiançais
et qui rapportait de l'Italie les principes et le goût
de la bonne musique. Ce ne fut du reste que deux
ans après , qu'il adressa à Paris l'ouvrage qu'il lui
avait promis pour l'opéra comique. C'était le
Baron d'Otrante tire' de son joli conte de L'éduca-
tion d'un prince. Voltaire en adressant cet ouvrage
à Grétry l'avait prié de présenter le poëme aux ac-
teurs de la Comédie italienne , comme l'œuvre d'un
jeune auteur de province. Les comédiens avouèrent
que l'auteur n'était pas sans talent et qu'il promettait
même beaucoup ; ils refusèrent toutefois sa pièce ;
mais ils chargèrent , en même temps Grétry de
mander au jeune homme que s'il voulait venir à
Paris , on pourrait lui indiquer quelques change-
ments nécessaires pour faire admettre et représenter
22 GRETRY.
l'ouvrage, et qu'avec de la docilité et un peu d'étude
de leur théâtre, il pourrait lui devenir utile par
ses travaux et se rendre digne d'y être attaché.
Cette proposition fit beaucoup rire sans doute l'au-
teur de La Henriadc qui aima mieux renoncer aune
gloire qu'il désespérait d'obtenir , celle des succès
sur l'ancien théâtre d'Arlequin.
Mais Grétry n'en était pas encore la, à lépoque
dont nous parlons : ce n'était pas à Genève qu'il
pouvait trouver ce qu'il avait en vue en quittant
Rome, et \ oltaire lui-même le pressait de réa-
liser le projet qu'il avait d'aller à Paris.
Le plus difficile était de trouver un poëme
comme il en cherchait. Grétry avait reconnu dans
les pièces de Favart cet agencement de la phrase
parlée tel qu'il le désirait pour faire la phrase mu-
sicale; à défaut de Favart il aurait pris avec recon-
naissance du Sédaiise , dont le faire lui plaisait par
!e naturel et dont la coupe lui paraissait aussi fort in-
telligente; mais pourquoi ces princes de l'opéra
comique auraient-ils été donner leurs pièces à un
débutant, quand les Duny, les Philidor et les Mon-
sigisy se les disputaient pour les porter â des triom-
phes certains?
GRETRY. 23
(ÎRÉTRYfut donc obligé pour son début d'accepter
d'un jeune homme nomme Durosoy , plus inconnu
qu'il ne Pétait lui-même alors , et qui ne lui inspi-
rait d'ailleurs aucune confiance , un poëme intitulé
les Blariages samnites , qui fut d'abord présenté à
la comédie italienne, et refusé, parce qu'il était d'un
genre trop noble. Les auteurs remirent leur pièce
sur le métier pour l'accommoder au ton du grand
opéra. Le poëme et la musique auraient pu dormir
encore longtemps dans les cartons , si le prince de
Conti, qui en avait entendu parler, n'eût témoigné
le désir de les voir représenter sur son théâtre par-
ticulier. Grétry avait perdu à Paris près de deux
ans en sollicitations infructueuses quand, en déses-
poir de cause , il avait accepté ce malencontreux
essai : pour comble de disgrâce , la pièce faite et
refaite avec tant de peine, éprouva une chute com-
plète devant toute In cour de France. Deux hommes
dont l'opinion en musique était d'un grand poids
adoucirent néanmoins l'amertume du chagrin que
cette chute aurait occasionnée à Grétry : c'était
d'une part le comte i>e Creutz , ambassadeur de
Suèdo . dont Suard avait procuré la connaissance à
24 GRÉTRY.
notre compatriote. Témoin de cet échec, il l'attribua
en grande partie au mauvais vouloir des exécutants.
D'autre part l'abbé Arnaud, connu par les spirituels
pamphlets qu'il publia, depuis, dans la querelle des
Gluckistes et des Piccinistes , partageait ouverte-
ment l'opinion du comte de Creutz : « Vous n'êtes
»pas jugé ce soir, dit-il tout haut à Grétry; il sem-
»ble que tous les musiciens s'entendent pour vous
))écorcher, mais vous vous relèverez de là, je vous le
«jure ! » Ils y avaient mis en effet la plus grande
malveillance. « Les musiciens de l'opéra étaient ca-
»pablesde tout, dit à ce sujet M. de Gerlache, contre
»un homme qui voulait introduire le chant sur leur
» théâtre. »
Il fallait toute l'active bienveillance du comte de
Creutz pour retirer Grétry du découragement où
l'avait plongé la chute des Mariages samnites. Ce
fut ce protecteur éclairé des arts qui décida Mar-
montel à lui confier sa petite pièce intitulée Le Hu-
ron. « Le public écouta le premier morceau avec
» défiance dit Grétry : il me croyait italien parce
» que mon nom se termine eni : j'ai su depuis
» que le parterre disait : nous allons donc encore
GRETHY. 25
» entendre des roulades et des points d'orgue à n'en
» plus finir! » Cette pièce, représentée lé 20 août
1768, alla aux nues. Le succès fut décidé au pre-
mier acte et confirmé à la fin du second. Le duo
Ne vous rebutez pas , et ce joli air qui est resté dans
la mémoire de tous les amateurs de l'époque, Dans
quel canton est l'Huronie , l'air de M Ue Ste.-YvES
au second acte, et une marche charmante que
Grétry avait transportée des Mariages samnites
dans cette nouvelle pièce, justifieraient encore au-
jourd'hui la fortune de cet ouvrage. Le lendemain
de cette espèce d'ovation musicale, Grétry sortant
pour aller se promener eut la satisfaction de voir la
boutique d'un marchand de tabac qui avait pris
pour enseigne : au Grand Iluron.
Voici en quels termes Grimm rendait» compte de
cette première composition :
« Ce M. Grétry est un jeune homme qui fait ici
son coup d'essai ; mais ce coup d'essai est le chef-
d'œuvre d'un maître qui élève l'auteur sans contra-
diction au premier rang. Il n'y a dans toute la
France que Puilidor qui puisse se mesurer avec
celui-là , et espérer de conserver sa réputation et
26 GRÉTRY.
sa place. Le style de Grétry est purement italien ,
Philidor a le style un peu allemand et en tout moins
châtié. Il entraîne souvent de force par son nerf et
par sa vigueur • Grétry entraîne d'une manière plus
douce, plus séduisante , plus voluptueuse; sans
manquer de force lorsqu'il le faut , il vous ôte par
le charme de son style la volonté de lui résister. Du
côté du métier il est savant et profond , mais jamais
aux dépens du goût, la pureté de son style en-
chante : le plus grand agrément est toujours à côté
du plus grand savoir ; il sait surtout finir ses airs et
leur donner la juste étendue , secret très-peu connu
de nos compositeurs. Vous avez pu remarquer dans
le cours de l'extrait de cette pièce combien sa mu-
sique est variée: depuis le grand tragique jusqu'au
comique, depuis le gracieux jusqu'aux finesses
d'une déclamation tranquille et sans passion , on
trouve, dans son opéra des modèles de tous les ca-
ractères. Cet ouvrage a réveillé en moi la fureur de
la musique, à laquelle mes occupations m'empèehen l
de me livrer, et que j'ai tant de peine à dompter
malgré toute l'assistance que je reçois de la part des
compositeurs français »
GRËTRY. 2/
Le succès éclalant du Huron changea lout-à-
coup la position de Grétry : jusque-là délaissé , il
se vit subitement obsédé de sollicitations pour
mettre en musique une foule de pièces. Un méde-
cin ami de Grétry lui racontait le lendemain qu'il
s'était trouvé au parterre entouré de la plupart de
ces Messieurs. A la fin de chaque morceau , ils
s'écriaient : Décidément il fera ma pièce, vous ver-
rez, Messieurs , l'ouvrage que je lui destine I si l'on
finissait un air comique : ah ! j'ai aussi de la gaîté
dans mon ouvrage; bravo, bravo, c'est mon homme!
— Mais , à toutes leurs instances Grétry répondait
que l'auteur du Huron avait bien voulu se hasar-
der avec lui, et qu'il lui devait une juste préfé-
rence. Quelques mois après il avait achevé en effet
la partition de Lucile, où Ton trouve ce quatuor que
tout le monde connaît : Où peut-on être mieux
qu'au sein de sa famille) Mais, tout en accordant
un plein succès à cette seconde pièce , le public ,
comme nous l'apprend Grétry, s'était confirmé dans
l'idée que le genre gai ne convenait pas au nouveau
compositeur. Il eut été difficile de mieux réfuter
celte prévention qu'il ne le fit en composant la
'28 GRÉTRY.
musique du Tableau parlant (17G9). Il serait im-
possible je crois de donner à l'expression musicale,
d'ordinaire assez vague , assez indéterminée en elle-
même , des allures plus précisément gaies ou folles
même, plus variéeset plus comiquesen même temps;
et pourtant il avait suivi pas-à-pas, ou plutôt bonds
par bonds la verve quelque peu grivoise d'ANSEAUME
et dans la peinture à' Isabelle et de Colombine ces
malicieuses filles qui voudraient bien cesser de
l'être, et de ce 31. Cassandre, cet amant suranné qui
malgré son âge , a le ridicule de vouloir plaire
encore. « Cette pièce , dit M. Fétis , plaça dès
ce moment Grétry au rang des meilleurs com-
positeurs français : elle a survécu aux diverses
révolutions que la musique a éprouvées. Malgré
les conditions désavantageuses de la comédie ly-
rique , où les airs se succèdent rapidement , et
dans laquelle la même scène en contient même plu-
sieurs, malgré l'instrumentation faible, et les
formes vieillies de celle pièce , on l'écoute encore
avec plaisir parce que les mélodies en sont char-
mantes , naturelles, expressives. » Rien de plus
gracieux en effet que la cantabih du duo de Coloin-
GKETRY. 29
bine et de Pierrot : les airs Je suis jeune , je suis
fille _, Il est certains barbons, Vous étiez ce que vous
n'êtes plus, sont devenus des proverbes en musique
et tellement connus que, comme l'a très-bien obser-
vé M. De Gerlacheu \h fournissent àla conversation
»des allusions toujours sûres, sans le secours des pa-
» rôles. » — « C'est un modèle de musique comique
et bouffone , disait Grimm , qui avait assisté aux
premières représentations : cela est à tourner la
tète : le compositeur ira loin s'il vit ; son style clair
et facile fait que le succès de ses pièces n'est jamais
douteux un instant, et se fait entendre des ignorants
comme des connaisseurs. »
J. J. Rousseau dont le Devin du village suffirait
pour attester qu'il sentait parfaitement la musique
expressive et naturelle , aimait beaucoup celle du
Tableau parlant . Quelqu'un cherchant un prétexte
pour le voir , alla lui demander une copie de l'air :
Vous étiez ce que vous 71 êtes plus. On sait que Jean
Jacques faisait le métier de copiste. «Je l'ai déjà copié
> au moins dix fois , répond Fauteur d'Emile, et je
» le recommence toujours avec un nouveau plaisir.»
Trois succès obtenus dans l'espace d'une année
30 GRETRï.
avaient amplement justifié les espérances qu'avaient
conçues de lui, le comte de Creijtz et l'abbé Arnaud.
Ces deux derniers , et Marhontel se réunissaient de
temps en temps, avec Caillot et M. et M e La-
ruette, dans de petits soupers charmants oùGrétry
exécutait au piano la musique de ses pièce s
nouvelles, avant de les exposera la répétition du
théâtre. On sent combien ces réunions, que le
choix , l'esprit et la gaité des convives rendaient
délicieuses, étaient propres à perfectionner et
polir l'éducation littéraire et musicale de Grétry.
Caillot avait un tact si sûr et une si grande expé-
rience des effets de la scène, que les auteurs s'en
rapportaient le plus souvent à ses avis et s'en trou-
vaient bien. Après une première représentation
parfois orageuse , c'était lui qui indiquait les mor-
ceaux qu'il fallait sacrifier , et ceux qui n'avaient
besoin que d'une épreuve nouvelle pour être mieux
saisis. Grimm le comparait comme acteur à Garrick
et à Préville. Comme chanteur il avait une voix si
étendue , que dans une pièce intitulée La nouvelle
Troupe, il se présentait successivement pour chanter
la haute-contre, la taille h la basse, et l'on
GRETKY. 31
assure qu'il aurait pu remplir en effet les trois
emplois également bien. L'abbé Arnaud amateur
passionné des beaux-arts , dont il connaissait par-
faitement la théorie., en parlait avec d'autant plus
de verve et d'abondance , qu'il prenait plus rare-
ment la plume , pour épancher les idées qui lui
venaient en foule. Suard qui était parvenu à se
faire une réputation de bon littérateur sans autres
titres que des traductions et des brochures , et qui
sut la conserver par la sûreté reconnue de son goût,
était aussi un homme dont l'entretien devait être
singulièrement profitable au milieu d'un cercle
ainsi composé. Grétry cite encore parmi eux un
homme que nous rappellerons également, parce que
ce qu'il en dit caractérise d'une manière extrême-
ment heureuse la fraternité des arts, que les anciens
avaient si bien sentie quand ils ont fait les muses
sœurs. C'est le fameux peintre de marine Vernet.
Vernet , disait Grétry , me parlait musique en
croyant me parler peinture.
Tout le monde sait aujourd'hui que dans la lutte
si acharnée des Gluckistes et des Piccinistes , les
deux partis avaient à peu-près également raison ,
GRETRY
sauf en ce qu'ils avaient d'exclusif . aussi Sacchini
les mit-il presque d'accord par le succès prodi-
gieux de sou OEdipe à Colone. Mais un fait qu'on
n'a peut-être pas assez relevé et qui contribua
sûrement beaucoup à assurer son triomphe, en éta-
blissant ces justes rapports si difficiles à trouver
entre la mélodie expressive d'un chant naturel , et
l'harmonie musicale , qui doit la soutenir et non
l'écraser; c'est qu'en sa qualité d'étranger, Sacchini
craignait de mal observer la prosodie française ,
beaucoup plus difficile à bien saisir que celle des
langues accentuées; à cet effet il se faisait soigneu-
sement déclamer chaque phrase du poëme , par les
meilleurs acteurs de l'époque avant d'entreprendre
d'y attacher une note de musique. Tel était aussi
le secret de Grétry , qui obtenait dès lors , sur la
scène de l'opéra comique , les succès que Sacchini
obtint plus lard sur la scène tragique. Souvent Gré-
try exécutait ou déclamait devant M lle Clairon , un
morceau dont il avait ébauché la notation ; cette
célèbre actrice le reprenait en le déclamant à sa
manière. Grétry 1 étonnait à son tour par la facilite'
qu'il avait de copier ses intonations, ses intervalles,
GRKTRY. ?? >
ses accents; mais ce n'était plus de la déclamation,
c'était du chant.
L'année 1770 vit encore apparaître sur la scène
lyrique de la comédie italienne trois nouveaux
opéras de Grétry, Sylvain, Les deux Avares et
L'Amitié à l'épreuve, les deux premiers eurent un
succès incontestable et le troisième ne méritait pas
moins , au jugement de M. Fétis , qui en trouve la
musique fort bonne et dit que c'est un des ouvrages
les mieux écrits de l'auteur. Dans Sylvain les ama-
teurs du genre pastoral noble citent volontiers l'air
Ne crois pas qu'un bon ménage , qui , selon l'expres-
sion de M. de Gerlache, respire bien la tendresse
d'une mère, celui de Lucette : Je ne sais pas si ma
sœur aime, qui est d'une ingénuité charmante, et
le duo d'Hélène et de Sylvain, auquel M. Fétis re-
proche pourtant de n'être pas écrit dans les limites
naturelles des voix.
Nous ne pouvons nous empêcher de nous arrêter
à ce reproche , qui, s'il est mérité , trouverait peul-
être si non sa justification complète au moins son
excuse partielle dans les qualités extraordinaires des
voix sur lesquelles Grétry pouvait compter. Mais
34 GRKTRY.
malgré cet avantage, ce n'est pas lui qui serait tombé
assez souvent dans ce défaut , pour briser en quel-
ques années les plus beaux timbres : et il avait pour
cela plusieurs motifs qu'il est assez curieux de lui
entendre développer lui-même :
« Il est bien dangereux , disait-il , de se livrer à
»ce débordement de musique qui épuise tous les
» effets dont on a besoin dans la suite d'un drame.
» Je n'ai jamais parlé de cet abus avec mes confrères
>>Méuul, Leïïoine , Cheribim, Lesueur, qu'ils ne
» m'aient témoigné leurs craintes sur ses suites fu-
»nestes. Ils conviennent tous que 1 harmonie est
«aujourd'hui (1797 ! ) compliquée au dernier point;
»que les chanteurs et les instruments ont franchi
nleîir diapason naturel ; que plus de rapidité dans
» l'exécution rendrait notre musique inappréciable
»pour l'oreille et qu'enfin un pas de plus nous jet-
terait dans le chaos. Tout nous commande donc de
)> rétrograder vers la simplicité. »
Ne semble-t-il pas que les vérités énoncées dans
retle page, forte de l'autorité de Mehul, de Lesueur,
de Lemoine et de Gherubini, avaient dû être profon-
dément méditées par Belliiu, quand il composa les
GRÉTRT. 3!'»
plus beaux morceaux des Puritani , de la Nérma
et de la Sonnambula? et. en nous rendant ici l'écho
des regrets universels qu'inspira la perte préma-
turée du suave compositeur italien , avons-nous
cessé de nous occuper de Grétry, ou du moins des
sentiments qui l'animèrent toute sa vie , pour les
progrès d'un art qui faisait sa gloire et qui fait en-
core nos délices?
Mais revenons aux opéras qu'il fit en 1770. Nous
avons constaté le succès de Sylvain, aies deux Avares
ne sont plus joués parce que le genre de la pièce
n'est plus à la mode, dit M. Fétis, on y trouve pour-
tant, ajoute ce juge bien compétent, un duo du
meilleur comique : Prendre ainsi cet or , ces bijoux,
un chœur de janissaires excellent : Ah! qu'il est
bon, qu'il est divin! et plusieurs autres morceaux
agréables. »
Le succès éclatant de l'opéra-féerie Zémire et
Azor, qui fut joué à Fontainebleau dans l'automne
de 1771, produisit le talent de Gkétry sous un
aspect nouveau. Ainsi que ledit M. Fétis, dont nous
aimons à répéter les éloges parce qu'ils ont d'autant
plus de poids qu'il n'en est pas prodigue : « L'ima
\
3() GRETRY.
gination de Grétry s'y montre dans toute sa fraîcheur:
jamais il n'avait, été plus riche de motifs heureux
que dans cet opéra. Rien de plus piquant que l'air
Les esprits dont on nous fait peur ; rien de plus
suave que le rondo Du moment qu'on aime, etc.
Malgré les transformations de certaines parties de la
musique, de pareilles inspirations ne peuvent cesser
d'être belles ni d'intéresser les artistes sans pré-
jugés. »
Nous ne pouvons résister au plaisir de transcrire
encore ici littéralement ce que dit M. de Gerlache
de cet opéra qu'il avait vu exécuter d'une manière
parfaite.
a Les féeries sont toujours froides à moins que
l'auteur n'ait eu l'art de faire oublier les invrai-
semblances de la fable par la vérité des caractères et
des passions ou par l'intérêt des situations. On ne
s'émeut guères de ce qu'on ne croit point : aussi
celte pièce en elle-même intéresse peu, mais quelle
musique délicieuse, quelle gaîté et quelle fraî-
cheur dans l'air d'Ali: Les esprits dont on nous fa if
pour! quel air pur, sublime , antique et religieux
que le trio: Veillons nus sanirs ! le musicien ne
GRETRY. 87
laisse-t-i! pas ici lo poëte bien loin derrière lui ?
le trio du tableau magique au 5 e acte entre Sonder
et les deux filles qui lui restent: l'air, Ah! laissez-
moi, laissez-moi la pleurer-, l'accompagnement de
clarinettes, cors et bassons qui se fait entendre
derrière le tableau magique , tandis que l'orchestre
se tait , sont d'un effet vraiment enchanteur. Mais,
comme l'exécution de cette pièce demande beaucoup
d'ensemble et de précision , il est rare qu'elle ne
laisse à désirer : les accents passionnés de Clairval,
et la dignité de son maintien , faisaient bientôt ou-
blier, dit Grétry, ce que les traits du monstre
avaient d'effrayant : il attirait tous les cœurs à lui
en chantant Ah! quel tourment d'être sensible! et il
montrait en effettoute la sensibilité d'un amant crain-
tif dans l'air, Du moment qu'on aime. Lorsque Azor
se présente aux regards de Zémire , la terreur de
celle-ci doit être extrême. M me Laruette jouait cette
scène à merveille : par combien de nuances elle
savait passer de la crainte du monstre à l'amour le
plus tendre : supprimez la pantomime et le jeu de
ces excellents acteurs, et vous aurez Zémire et Azor
tel que nous l'avons vu représenter souvent.
38 GRÊTRY.
On sait que cette pièce a été reprise à Paris avec
le plus grand succès il y a deux ans , et qu'elle est
restée au répertoire , au même rang que les pièces
nouvelles les plus goûtées.
Quand elle était encore dans sa nouveauté , un
Français se rendant en Allemagne, à l'époque où les
théâtres de province commençaient seulement à
la monter , la vit annoncer pour le même jour à
trois théâtres différents et en trois langues, en
français , en allemand et en flamand. C'était à une
foire de Francfort.
L'Ami de la maison est, au jugement de l'écrivain
que nous venons de citer , de tous les opéras-co-
miques de Marmontel celui qui se rapproche le plus
du ton de la comédie : aussi avons-nous été surpris
de lire dans M. Fétis que c était un tour de force,
que d'avoir pu intéresser par la musique dans
une comédie aussi froide , et si longue. C'est pour-
tant cette pièce que citait de préférence M.Pujoulx,
littérateur fort estimable , quand il voulait témoi-
gner à Grétry son admiration sur l'art avec lequel il
savait faire accorder entr'elles les paroles et la mu-
sique; et loin de trouver le compliment mauvais,
GKETRY.
Grétry répondait avec cette bonhomie de satisfac-
tion naïve, qu'il avait habituellement avec ses
amis : « N'est-ce pas , on dirait que c'est Marmontel
» qui a fait la musique, et que j'ai fait le poème?»
A Y Ami de la maison succédèrent assez prompte-
ment le Magnifique , qui ne réussit pas et qui
semble avoir été justement appre'cié , la Rosière de
Salency , paroles du marquis de Pezay , où tout
est encore frais et gracieux , comme cet air que
tout le monde connaît , Ma barque légère ; et la
Fausse magie , dont Marmontel avait grand tort ,
cette fois surtout f de s'attribuer tout le succès.
Grétry regardait le premier acte de cette pièce ,
comme ce qu'il avait fait de plus estimable. Ce qu'il
y a de certain c'est que le duo : Quoi c'est vous
qu'elle préfère! est d'une vérité dramatique qu'il
n'est pas possible d'outre-passer.
Grétry nous apprend , dans ses mémoires , que
ce fut à une représentation de la Fausse magie au il
fut présenté à Jean Jacques Rousseau. Voici comme
il raconte cette entrevue qu'on ne peut passer sous
silence dans une notice biographique sur Grétry :
« J'entendis quelqu'un qui disait: M. Rousseau }
-40 GRE1RY.
voilà Grétry que vous demandiez tout-à-1'heure !
je volai auprès de lui , je le considérai avec atten-
drissement. Que je suis aise de vous voir ! me dit-il,
depuis longtemps je croyais que mon cœur setait
ferme aux douces sensations que votre musique me
fait encore éprouver. Je veux vous connaître, Mon-
sieur , ou pour mieux dire, je vous connais déjà par
vos ouvrages, mais je veux être votre ami. Ah!
Monsieur, lui répondis-je , ma plus douce récom-
pense est de vous plaire par mes talents!... —
Ètes-vous marié? — Oui. — Avez-vous e'pousé ce
qu'on appelle une femme d'esprit ? — Non. —
Je m'en doutais. — C'est une fille d'artiste elle ne
dit jamais que ce qu'elle sent. — Je m'en doutais.
Oh ! j'aime les artistes : ils sont enfants de la
nature... Je veux connaître votre femme et je veux
vous voir souvent. Je ne quittai pas Rousseau pen-
dant le spectacle _, il me serra deux ou trois fois la
main pendant la Fausse Magie ; nous sortîmes
ensemble, j'e'tais loin de penser que c'était la
première et la dernière fois que je lui parlais ! en
passant par la rue Française , il voulut franchir des
pierres que les paveurs avaient laissées dans la rue:
GRETRY. 41
je pris son bras et lui dis: prenez garde, Monsieur
Rousseau ! il me quitta brusquement en disant :
laissez-moi me servir de mes propres forces !... Je
fus anéanti par ces paroles : les voitures nous sé-
parèrent ; il prit son chemin et moi le mien ; et
jamais depuis je ne lui ai parlé. »
Si l'auteur de Y Histoire d'ailleurs très-intéressante
de la vie et des écrits de J. J . Rousseau , M. Musset-
Pathay avait accorde à quelques traits du genre de
celui que nous venons d'emprunter à Grétry ,
l'attention qu'ils méritaient, il se fût plus fré-
quemment abstenu de prodiguer le blâme aux con-
temporains de J. J. Rousseau pour relever le mérite
incontestable de son idole.
Nous sommes parvenu à l'époque de la grande
querelle musicale des Gluckistes et des Piccinistes,
(Gluck était venu à Paris en 1774 et Piccini à la
fin de 1776).
L'engoùment successif du public pour les pièces
de ces deux habiles compositeurs de mérite divers,
avait donné à la grande scène lyrique une impor-
tance qui, pendant un temps, fit presque oublier sa
plus modeste rivale. Gluck avait failli m' étouffer ,
42 GRETRY.
dit Grétry ; mais , avant de faire cet aveu qui, à la
distance où il était alors de l'événement, devait
coûter fort peu à son amour-propre , il avait sans
doute éprouvé quelques insomnies : il fît du moins
d'assez nombreux efforts pour obtenir aussi un nom
dans la tragédie lyrique. Céphale et Procris ,
Andromaque, Aspasie, et Denys-le-Tyran attestent
une persévérance remarquable malgré le peu de
succès qu'il obtenait et l'auteur déjà tant fêté du
Huron , de Lucile, du Tableau parlant , de Zémire
et Azor , de La Rosière de Salency et de la Fausse
Magie semblait ne devoir pas s'accoutumer aisé-
ment à l'idée d'une chute succédant à d'autres
chutes.
Grétrt se releva bientôt en retournant au genre
dans lequel il régnait désormais sans rival , avec le
Jugement de Midas et Y Amant jaloux (1778).
Son amour-propre éprouvait quelque peu le
plaisir de la vengeance en composant le Jugement
de Midas. satyre allégorique assez mordante contre
la manière dont chantaient encore alors les par-
tisans des anciennes traditions de l'opéra , c'est-
à-dire les élèves de ceux qui avaient conspiré si
cruellement contre ses Mariages samnites.
GRETRY.
4S
Ce fui à l'occasion du Jugement de Midas que
Voltaire adressa ce qualrain à Grétry :
« La cour a dénigré tes chants ;
» Paris applaudit tes merveilles :
» Grétry , les oreilles des grands
» Sont souvent de grandes oreilles. »
L'Amant jaloux , imité d'une pièce anglaise
( The Wonder) , offre, ainsi que le Jugement de
Midas, cette circonstance bien remarquable et
qui dut nécessairement paraître très-piquante dans
sa nouveauté, que les paroles , qui sont d'un
français d'ailleurs très-correct et pétillantes d'es-
prit , étaient l'œuvre d'un e'tranger , et ce qui
semble plus étonnant encore, d'un anglais. D'Héle
en anglais Haïes) à qui Grétry a consacré dans ses
Mémoires quelques pages spirituelles et piquantes «
était en effet un anglais d'un caractère fort original
qui cachait sous les apparences du flegme britan-
nique des passions vives et profondes. « Il conçut
» l'opéra comique, ditM. de Gerlache, plus fortement
»que les auteurs qui avaient traité le même genre
«avant lui. Il serre ses intrigues et multiplie les si-
44 GRETRr.
filiations, son dialogue est vif, animé, semé de traits
» comiques ; ses caractères sont bien marqués et
» ordinairement en opposition. »
Telle était aussi l'opinion du sévère aristarque
qui réglait alors dans le Mercure ou sanctionnait les
jugements littéraires sur les succès ou les chutes
des œuvres dramatiques.
(( S'il fallait, dit Laharpe, après avoir loué toute
la musique et particulièrement les morceaux :
Il ne sait plus que dire ;
II ne s'emporte plus ;
Il gémit , il soupire :
Ah! qu'il a l'air confus.
et
et
Ou elle a de pouvoir sur son âme !
Elle n'est pas encore sa femme ,
On le voit bien.
La plaisante aventure , etc.
« S'il fallait, dit-il , donner le prix à l'ensemble
»le plus parfait et le plus étonnant, conçu entre
«l'auteur et le compositeur, et le plus longtemps
«soutenu avec autant de variété que de justesse, je
urne rangerais à l'avis de ceux qui ont assigné celte
r
GRÉTRY. 4J5
»palme à X Amant jaloux. Je préfère le lalent cIcFa-
» vaut, à celui de D'Hèle et celui-ci, comme écrivain,
»Ie cède à son devancier ; mais Favart n'a point eu
«un Grétry, et, grâces à tout l'esprit que ce grand
«artiste à réuni à celui de D'Hèle, Y Amant jalon œ mu
» paraît jusqu'ici le chef-d'œuvre de Topera comique. »
L'année 1779 fut encore marquée par le succès
des Événements imprévus , dont les paroles étaient
aussi de D'Hèle , qui en avait emprunté le sujet à
un ancien canevas italien , Di pegyio in peygio ,
et d'Aîtcassin et Nicolette , pièce dans laquelle
les admirateurs de Grétry se plaisent à reconnaître
le coloris gracieux et naïf de l'ancien fabliau, auquel
le sujet est emprunté, tout en regrettant que rail-
leur des paroles (Sédaine) naît pas mieux réussi
à le prendre lui-même.
A la première représentation , Sédaine était dans
la coulisse à côté de Grétry, quand le public insista
pour faire répéter l'air que chante le pâtre au
troisième acte : Ah ! que de pièces d'or ! — Peste
soit de ton air , dit Sédaine , avec humeur, et Grétry
lui demandant le motif de cette brusque incartade:
« Parbleu . lui dit-il . si le public s'intéressait le
46 GRETRY.
moins du monde aux amours d'Aucassin et de Ni-
colette songerait-il à crier bis après ton air ? »
Pendant les répétitions de cette pièce , un admi-
nistrateur fit prier Grétry de se rendre au comité,
où on lui dit qu'il était urgent de hâter la représen-
tation , si l'on ne voulait faire perdre à cet ouvrage
tout le charme de la nouveauté. — Comment cela?
demanda Grétry. — Par la raison, lui répondit-on,
que les garçons de théâtre , les allumeurs et les ba-
layeurs chantent tous vos airs à tue-tête depuis le
matin jusqu'au soir.
Liège était naturellement fière alors d'avoir donné
naissance au célèbre compositeur qui multipliait
ainsi ses succès ; et elle montra tout le prix qu'elle
y attachait par les honneurs publics qu'elle fit dé-
cerner à Grétry à peine parvenu au milieu de sa
carrière.
Dès le 24 janvier 1780, nous voyons le Conseil de
la cité, « toujours attentif (ce sont les termes de la
"délibération officielle) (1) à encourager nos compa-
(1) Que je dois à l'obligeance de M. Leclerc, chef de la di-
vision de I ctat-civil à Liège.
GRETRY. ^
»triotes qui se distinguent par leurs talents , et vou-
lant rendre hommage public et permanent au cé-
lèbre Grêtry qui a enrichi la scène française par
«tant de chefs-d'œuvre en musique, le Conseil
»est d'avis que son buste soit placé sur l'avant-scène
»du théâtre de la salle de spectacle appartenant à
»la cité , afin que par ce monument, la mémoire
»de cet auteur célèbre, qui fait honneur à la na-
tion liégeoise , se transmette à la postérité la
» plus reculée, ordonnons en conséquence de faire
«faire le buste en marbre blanc. »
Le 51 janvier, le même Conseil s'assemble de
nouveau pour voter une récompense au sieur
Alexandre , Vun des comédiens de la principauté,
pour le drame lyrique qu'il avait composé à l'occa-
sion de l'érection du faiste et du couronnement de
31. Grétry notre concitoyen.
A partir de ce moment le buste de Grétry fut
placé dans la salle de spectacle de Liège, en face de
la loge, où le Prince-Évêque , entouré des chanoi-
nes qui partageaient son goût pour les beaux-arts,
vebait chaque soir applaudir aux chefs-d'œuvre
d'un des enfants de la cité, sans se douter que cm-
-58 GRÉTRY.
qualité ans plus lard , ses successeurs à l'épiscopat
condamneraient cet usage comme une impiété
même dans des laïques.
Deux ans après (1782), Grétry rentrait pour la
première et pour la dernière fois dans sa ville na-
tale, qu'il avait quittée depuis 1759. «C'était sous le
»beau règne de ce Velbruck, ami de la liberté, pro-
tecteur éclairé de tous les genres de talents, régé-
nérateur de l'instruction publique, créateur de
» cette émulation dont le feu sacré fit éclore la bril-
lante imagination et le chaleureux civisme de Bas-
»seinge, les inspirations spirituelles et touchantes de
wRegmer, la douce philanthropie deHENKART, et les
» productions si originales du pinceau correct de
»De France. Les annales de Liège ont perpétué le
«souvenir de l'accueil enivrant que retrouva Grétry
»au milieu des siens. Ce n'était plus ce faible enfant
«dont elle avaitencouragé les heureuses dispositions,
«protégé les premiers pas, qu'elle avait accompagné
»de ses vœux sur la terre classique des beaux arts;
» c'était le fondateur d'une nouvelle ère musicale, le
» créateur d'une école nouvelle dont les universels
«succès assuraient la durée. Celait un homme que
GRÉTRY. 49
» l'Europe saluait du nom de grand musicien et dont
» vingt-deux triomphes avaient déjà révélé le génie.»
« A l'allégresse que son retour avait inspire'e ,
» aux acclamations, aux soins touchants dont il avait
»été l'objet, Grétry répondit en faisant hommage à
)>son pays de son vingt-troisième ouvrage. »
«Sa dédicace restera comme un monument éter-
»nel du respect et de la vénération qu'il portait à
» sa patrie; elle protestera dans l'avenir contre ces im-
putations calomnieuses par lesquelles naguère en-
»core on essayait de flétrir et ses sentiments et les
)> nôtres (1). »
Cette visite de Grétry à Liège avait été l'occasion
d'une péripétie heureuse dans la vie fort agitée d'un
jeune homme alors comédien au théâtre de cette
ville et qui devint depuis auteur comique distingué
et acteur trop célèbre dans les scènes moins gaies de
la révolution française. Un talent dramatique peu
goûté, tous les torts dune mauvaise tête et beaucoup
d'inexactitude dans ses devoirs avaient attiré à
(1) Discours de M. Renard-Collardin, lors delà remise
solennelle du cœur de Grétry.
50 GRÉTRY.
Fabre d'Eglantine non seulement la disgrâce de son
directeur, mais encore celle des magistrats, au point
que, chasse avec éclat du théâtre, il lui était même
défendu de prendre place parmi les spectateurs.
Cette mésaventure n'avait pas arrange' ses affaires
qui étaient en fort mauvais état, et l'on assure même
que ne pouvant fuir , et cédant au chagrin et à la
honte qui l'accablait, il était sur le point d'attenter
à ses jours, quand tout-à-coup il apprend que
Grétrt , attendu , désiré depuis si longtemps , ar-
rive dans les murs de Liège : on lui dit que les
Liégeois viennent de décider que le buste de leur
compatriote sera couronné sur le théâtre. Sa tête
se monte , sa verve s'échauffe , en huit heures il a
créé une épître en cent quarante vers dans lesquels
il a rappelé et caractérisé avec un rare bonheur le
principal mérite de la plupart des œuvres de Grétry:
armé de son manuscrit, les yeux remplis d'une noble
audace, il se précipite vers le théâtre , renverse
les gardiens qui veulent l'arrêter, s'élance sur la
scène... On venait de couronner le buste : son air
inspiré commande le silence; on l'écoute, il lit son
épître , qui n'est interrompue que par les transports
GRETRY. 51
de la plus bruyante ivresse , et achève sa lecture
au milieu des applaudissements. Son sort fut changé
par cet élan de la joie commune. Les magistrats et
le peuple ordonnèrent au directeur, au nom de
Grétry, d'oublier le passé , et de rendre son état au
comédien qui devait enrichir la scène française du
Philinte de Blolière, de l'Intrigue épistolaire et des
Précepteurs.
C'est environ deux ans après la visite qu'il était
venu rendre à son pays , que Grétry mit le com-
ble à sa gloire par celte délicieuse composition que
nous avons vu naguère reprendre sur tous les
théâtres avec un succès d'enthousiasme , sans que
le voisinage , ni de la Juive , ni de Moïse même ,
ni de Guillaume Tell , ni des Huguenots , pût rien
lui enlever de son inaltérable fraîcheur : tout le
monde a reconnu que nous voulons parler de
Richard. Et que l'on ne croie pas que de récentes
infortunes royales aient été nécessaires pour faire
apprécier tout le mérite de cette composition pleine
de sentiment : le rôle de roi serait devenu histori-
que dans le monde, que tant qu'il restera des
hommes capables d'un généreux dévoûment ou
r,2 GRETRT.
dignes d'en être l'objet, on se sentira ëmu , on
s'attendrira et on pleurera en entendant chanter :
Si l'univers entier m'oublie , et , ô Richard ! 6 mon
Roi!... C'est en sortant d'une représentation de
Richard que le prince Henri de Prusse disait à
Grétry : Vous avez le courage d'oublier parfois que
vous êtes musicien pour vous sacrifier au poète.
« C'est à Gluck, reprit Grétry, qu'un tel compliment
aurait dû s'adresser: bien mieux que moi il a senti
qu'il n'est point d'inte'rêt sans vérité et point de
vérité sans sacrifice. »
« Ce qui distingue l'artiste, dit M. de Gerlache ,
en parlant de cette pièce , c'est la fécondité de
la pensée. Si l'on veut avoir une preuve de la fé-
condité de Grétry^ il faut voir de combien de ma-
nières différentes un seul sentiment,, l'amour, se
reproduit dans une seule pièce ; l'amour conjugal,
après cinquante ans de mariage , dans l'air que
chantent Mathurin et sa femme avec les paysans ;
l'amour pur , antique et chevaleresque , dans la
romance, Une fièvre brûlante; l'amour ingénu
dans La danse n'est pas ce que j'aime , l'amour ti-
mide et fn rt if dans , Un bandeau couvre les yeux ;
GRETRV. 83
l'amour grivois dans l'air que chantent les paysans
au commencement, de la dernière scène. La ro-
mance que joue et chante Blondel, qui doit pré-
parer la fameuse scène de la reconnaissance , le
pivot sur lequel roule toute la pièce , est répété
neuf fois, et pas une seule fois de trop, parce qu'elle
l'est toujours avec variations et avec des inten-
tions nouvelles. »
Richard-Cœur-de-lion avait succédé ta V Épreuve
villageoise (1785) l'un des ouvrages de Grétry
dans lesquels il a mis le plus de mélodie et de force
musicale , au jugement de M. de Gerlache. Tout le
monde connaît le morceau plaisant :
Bon Dieu , bon Dieu comm' à cte fête,
Monsieur d' la France était honnête J
La Caravane du Caire , Panurge et Anacréon
chez Polycrate ne tardèrent pas à offrir au publie
de nouvelles modifications de ce talent si fécond ,
si varié et si souple. Ce fut réellement l'introduc-
tion d'un genre nouveau à l'opéra-comique. La
Caravane et Anacréon constituent ce qu'on a ap-
pelé le genre de demi-caractère , et Panvrge
ô-i GRETRY.
introduisit sur la scène française le genre bouffe
italien. Grétry nous apprend dans ses mémoires .
que Zcmire et Azor , dans sa nouveauté , avait été
partout accueillie avec tant de faveur qu'elle avait
rétabli les finances de plusieurs directions de pro-
vince prêtes à échouer • tous ceux qui ont suivi la
scène lyrique, du temps de l'empire, et même delà
restauration , ont pu voir par eux-mêmes que pa-
reille fortune avait été réservée , bien longtemps
après leur apparition , aux trois pièces que nous
venons de nommer. « La Caravane, dit M. ce Ger-
» lâche, a été plus souvent représentée que les grands
«opéras les plus fameux. C'est une de ces pièces qui
»ne s'usent point, que l'on donne toujours quand
»on ne sait que donner, dont le public ne se lasse
«jamais.Le poème est fort médiocre, mais il offrail
»au musicien de riches tableaux, un beau spectacle.
»des oppositions heureuses entre nos mœurs et les
» mœurs de l'Orient, enfin un mélange de sentiments
«guerriers, passionnés, voluptueux, et Grétry savait
» peindre tout cela. Après l'annonce de ces terribles
«bulletins de l'empire, on entonnait toujours à Po-
mpera le fameux chant de La Victoire es/ à nous !..
GRETHY. 85
» L'air du marchand d'esclaves-, J'ai des beautés pi-
nquantes j celui du Pacha, Vainement Ahnaïde
nencore...^ et une foule d'autres, sont pleins de faci-
lité, de grâce et de fraîcheur. L'auteur semble se
«plaire à multiplier les contrastes et les surprises
«agréables, et à ne laisser jamais l'imagination du
«spectateur en repos. »
C'est après Pa/Uttrae que l'on fit circuler ce joli
quatrain que nous a conservé Grimm :
Ceux-ci font bien , ceux-là font vite ,
Le plus grand nombre ne fait rien ;
Mais Grétry seul a le mérite
De faire beaucoup, vite et bien.
La plupart des pièces de Grétry qui avaient eu
du succès à Paris étaient traduites en italien et en
allemand et, chose surprenante, surtout pour un
compositeur qui prenait tant de soin d'accommoder
sa musique aux paroles, ses pièces traduites avaient
encore du succès sur divers théâtres d'Allemagne,
d'Angleterre et d'Italie.
Le moment étant venu de rendre compte de
l'une de ces époques de péripétie musicale, dont
SG GRETRr.
Grétry sortit néanmoins, sinon toujours vainqueur,
au moins toujours glorieux , nous laisserons encore
parler un maître de l'art :
« Au milieu des succès dont l'auteur de tant de
» productions voyait couronner ses travaux, un
» nouveau genre de musique créé par Méhul et par
«Cherubini, s'était introduit sur la scène de l'opéra-
» comique. Cette musique , plus forte d'harmonie ,
»plus riche d'instrumentation et beaucoup plus
» énergique que celle de Grétry, devint tout-à-coup
Ȉ la mode au commencement de la re'volution, et
«fit oublier pendant plusieurs années le Tableau
^parlant, X Amant jaloux^ et la Fausse Magie. Il n'y
«a point d'auteur qui se résigne de bonne grâce à
»l'oubli du public; Grétry fut très-sensible à cette
«sorte de disgrâce, à laquelle il n'était pas prépa-
»ré. Il n'aimait pas la musique nouvelle ; mais il
» regrettait que des études plus fortes ne l'eussent
«point mis en état de lutter avec ses nouveaux
«adversaires: toutefois, comme on ne se rend jamais
«justice sur ce qui touche lamour-propre , il ne se
«considéra pas comme vaincu, et il voulut rentrer
«dans la carrière en imitant, autant qu'il le pouvait
GKETRY.
87
»un genre qu'il dédaignait au fond de l'âme. C'est à
»ses efforts pour y parvenir qu'on dut Pierre-le-
» Grand , Lisbeth, Guillaume Tell et Elisca. Quoi-
» qu'on retrouve dans ces ouvrages des traces de
«son ancienne manière, on aperçoit facilement le
» tourment qu'il se donne pour être autre que la
« nature ne l'avait fait. Les mélodies de ces produc-
tions n'ont plus l'abandon, le naturel ni la verve
«qui distinguaient les œuvres de la jeunesse de Gré-
»try ; en un mot, il n'est plus qu'imitateur timide
«au lieu d'inventeur qu'il était. »
«La musique de Grétry était presqu'abandonnée,
«lorsque le célèbre acteur Elleviou entreprit de la
«remettre à la mode, et de la substituer aux grandes
«conceptions harmoniques alors en vogue, qui n'é-
« taient pas de nature à faire briller ses facultés per-
«sonnelles. Le talent dont il fit preuve dans Richard,
«dans Y Ami de la maison, dans le Tableau parlant
«et dans Zémire et Azor fut tel , que l'on ne voulut
«plus voir que ces ouvrages, qui étaient neufs pour
«une partie du public. Depuis lors les œuvres de
» Grétry n'ont cessé de plaire au public français jus-
»qua la nouvelle révolution qui, dans ces derniers
08 gré™ Y.
«temps, s'est opérée dans la musique dramatique.
«Leseffets de celle-ci ont été d'accoutumer les spec-
»tateurs à de riches effets d'harmonie et d'inslru-
«mentation, et conséquemment de les rendre plus
«exigeants sous ces rapports. Rien ne pouvait nuire
» davantage à la musique de Grétry; car ces parties
«de l'art musical sont précisément le côté faible de
»ses ouvrages. »
a Le dédain qu'on affecte aujourd'hui pour les
«productions d'un homme de génie qui s'est illustré
«par de belles mélodies cl par 1 expression des pa-
« rôles n'en est pas moins injuste. Au reste Grétry
rattachait si peu d'importance à l'instrumentation
»de ses ouvrages, qu'il en chargeait ordinairement
«quelqu'un de ses amis. L'orchestre de ses vingt der-
»niers opéras a été écrit par M. Paivseron père. (1) »
Ces deux qualités dislinclives de la musique de
Grétry, la mélodie et l'expression, qu'il envisageait
comme parties principales et constitutives de toute
musique dramatique, préserveront probablement
(\) I. S I i iis. Biographie universelle des musiciens.
GRETRÏ. 59
ses œuvres de l'oubli : on pourra toujours refaire,
au gré de l'exigence du moment, la partie de l'or-
chestre qui est soumise à certaines règles de la
science, que tout le monde peut se rendre familières
au moyen de l'étude; mais la mélodie, ce don de re^»
muer le cœur en caressant l'oreille et de satisfaire
l'imagination par des chants: mais l'expression, que
l'on n'atteint que par un tact heureux et rare, qui
vous fait discerner la corde sensible correspondante
à chacune des nuances de sentiment que vous vou-
iez exciter: comme l'une et l'autre ont leur source
dans le cœur humain qui est immuable , elles assu-
rent l'immortalité au compositeur qui les possède
réellement. IN 'est-ce pas la réunion de ces deux
qualités qui fait encore paraître touchants, quand
ils sont bien chantés , l'air d Henri IV, Charmante
Gahrielle ! ceux de ,1. ,1. Rousseau J'ai perdu mon
serviteur et Je l'ai planté , je l'ai vu naître , etc.?
Dans un genre plus relevé mais bien plus ancien
encore, quel est l'homme, doué dune oreille tant
soit peu musicale, qui naît été frappé de l'accord des
sons avec les sentiments qu'ils expriment dans lad
mi râblé chant de la Préface . et qui n'ait éprouvé, en
fiO GRETRY.
l'entendant exécuter avec justesse, quelque chose
de l'effet que produisent, à l'aide d'autres moyens,
les magnifiques exordes des oraisons funèbres de
Bossuet?
On dissertait un jour, au foyer de l'Opéra-comique,
sur les instruments qui produisent le plus d'effet, et
en général sur les moyens de produire de l'effet
au théâtre. Il y avait là des compositeurs très-dis-
tingués : chacun disait son mot ; les uns étaient
pour la basse, d'autres pour le trombone , etc. Les
opinions e'taient partagées : « Messieurs , dit Gré-
»try, je connais quelque chose qui fait plus d'effet
»que tout cela; — Quoi donc? — La vérité. »
L'expression du chant était donc presque tout
pour Grétry. L'orchestre n'avait à ses yeux d'autre
mission que de soutenir le chant, de le développer,
de l'expliquer parfois , mais en gardant toujours
le second rang : il voulait bien que Y harmonie con-
courût à répandre un peu de variété et d'agrément
dans les chants auxquels elle sert d'accompagne-
ment : il ne lui aurait pas permis d'occuper jamais
la scène. C'est dans ce sens qu'il appelait la mélodie
la statue, et l'harmonie le piédestal, elqu'il disait des
GRETRY. 01
harmonistes peu soigneux de la partie du chant ,
qu'ils plaçaient la statue dans l'orchestre et le piédes-
tal sur la scène. L'application qu'il en faisait , dit-
on, à Mozart, n'était pas juste sans doute; mais, abs-
traction faite de ce grand compositeur étranger, et
au point de vue de la perspective théâtrale , qui ne
sent la justesse de cette métaphore, Placez le pié-
destal dans l'orchestre, et prenez soin de laisser
constamment la statue sur la scène? Certes nous au
rions été témoins de beaucoup moins d'écarts étran-
ges, si tous les compositeurs de notre époque
avaient eu toujours présente à la pensée, cette
sage recommandation de l'auteur de Richard.
Grimm qui avait le sentiment de la musique, ré-
sumait parfaitement , ce nous semble, les qualités
distinctives du mérite de Grétry, lorsqu'en 1779
il s'exprimait ainsi :
«On ne cesse de disputer sur Gluck, sur Piccim,
sur toutes les musiques du monde, mais les con-
naisseurs elles ignorants s'accordent assez , cerne
semble , à trouver qu'il n'y a jamais eu de compo-
siteur qui aît su adapter plus heureusement que lui
la mélodie italienne au caractère et au génie de
62 GRETRY.
notre langue , saisir mieux le goût de la nation el
donner à tous ses motifs , à toutes ses phrases , à
toutes ses notes une intention plus fine et plus
spirituelle. »
Nous donnerons , à la suite de l'indication des
œuvres musicales de Grétry, les titres des ouvrages
littéraires qu'il a publiés. Leur réputation est assez
bien faite aujourd'hui pour nous dispenser d'en rien
dire, principalement de ses Mémoires ou Essais su?*
la musique, dont GrimmcI Laharpe se sont accordés
à faire les plus brillants éloges , à leur apparition :
mais un fait moins connu peut-être, et que nous ne
pouvons nous dispenser de signaler, parce qu'il
prouve en quel degré d'estime était Grétry dans
l'opinion des autres compositeurs, c'est que si la
seconde édition de ses Mémoires a été imprimée
aux frais du gouvernement (en 1797); cette faveur
ne fut pas provoquée par lui ; mais accordée en
suite d'une pétition adressée à l'autorité, dans l'in-
térêt de l'art, par Méhul, Dalayrac, Cherubim, De-
vienne. Lesueur, Gossec . Lapmu;é 7 Lemoyne , el Cimi-
peih.
Il nous reste à apprécier Grétry, sous un pou»
GRKTRY. 63
de vue non moins intéressant pour nous, c'est-
à-dire comme homme privé et dans ses relations
de famille et d'amitié.
Celui qui, enfant, demandait à Dieu, dans ses
prières, qu'il le fît mourir le jour de sa première
communion, s'il ne devait être honnête homme et
bon musicien ; celui qui avait dû la moitié de son
premier succès à l'émotion causée en lui par les
joies naïves de sa mère, ne pouvait être ni un
égoïste, ni un indifférent. Telle est pourtant la ré-
putation qu'avaient voulu lui faire certaines per-
sonnes, rebutées de n'avoir pas trouvé auprès de
lui un accès assez facile: hâtons-nous d'ajouter que
telle sera nécessairement toujours la réputation
d'un homme qui voudra continuer à s'occuper de
travaux sérieux après avoir acquis la célébrité. Trop
d'importuns circulent autour des grandes renom-
mées, pour qu'il leur soit possible d'échapper à la
fois à l'ennui de se voir dérober un temps qu'ils
voudraient consacrer à de nouveaux chefs-d'œuvre,
el au malheur d'avoir parfois tenu sa porte fermée
à un compatriote, dont on regrette ensuite de n'avoir
pu serrer la main, à un ami même, qu'on a le cha-
64 GRÉTRY.
$rin de n'avoir pas obligé dans le moment opportun.
Mais ce n'est pas sur quelques mésaventures ine'vi-
lables de ce genre qu'il faut juger le cœur d'un
homme dont la vie a été aussi pleine.
Toute la correspondance de Grétry atteste com-
bien il aimait tendrement son pays : « C'est bien
»avec raison que mon cœur est resté parmi mes
«compatriotes, dont je suis séparé depuis si long-
temps, écrivait-il à son ami Henkart (15 no-
vembre 1807), j'ose espérer encore de revoir une
«fois ma bonne ville de Liège, c'est l'unique vœu
«qu'il me reste à exécuter , si mes forces me le
«permettent. »
En 1810, il écrivait à M. Philippe Lesbroussart,
qui lui avait adressé son poëme des Belges :«5e\ous
«remercie, monsieur, d'avoir si dignement chanté
»mon pays , et de m'avoir compris dans les hommes
«d'élite qui y ont pris naissance. Je vois avec
» plaisir et orgueil fleurir les talents distingués tels
»que le vôtre, monsieur, dans le pays qui m'a vu
«naître: les ans ne séparent pas le cœur de son
» berceau ; je suis Liégeois dans l'âme et pour
»la vie. »
GRÉTKY. 65
Dans une lettre adressée à M. Rouveroy, dans le
cours de la même année , il disait à notre aimable fa-
buliste :« N'oubliez pas, je vous prie, dans vos réu-
nions amicales, n'oubliez pas celui qui vous porte
» en son cœur et qui le reste de sa vie conservera le
«même sentiment. »
La Fiance elle-même lui avait rendu, vivant, des
honneurs non moins distingués que ceux qu'il
reçut dans sa ville natale. Il ne pouvait entrer
au théâtre dépositaire de ses ouvragés, sans
passer devant la statue en marbre qu'un ama-
teur éclairé (le comte de Livry) lui avait érigée.
Son buste en marbre blanc par le fameux Houdon
avait été placé au grand foyer de l'Opéra ; son por-
trait en pied, peint par Robert Lefèvre était dans la
salle d'assemblée de l'opéra-comique 5 une rue voi-
sine du même théâtre avait déjà reçu le nom de
rue Grétry , en 1785 : néanmoins quand il apprit
que Liège voulait honorer son berceau et fonder
près des lieux où il avait vu le jour , une place
qui allait porter son nom , il répondait aux vives
instances de ses compatriotes qui le pressaient
d'arriver :« Si je n'avais pas soixante-neuf ans, plus
86 GRETRY.
cinquante-cinq opéras qui en font bien cent vingt-
quatre, je volerais auprès de vous. »
«Ne parlez pas de vos soixante-dix années , lui
répondait son ami Henkart : la voiture est douce
quand elle roule sur des fleurs et sur des lauriers. »
En adressant à son ami le notaire Dumont, ses re-
mercîments pour l'envoi que ce dernier lui avait fait
d'un duo liégeois, il finissait en ces termes :« J'irai
vous les faire moi-même adhominem^ si j'ai le bon-
heur de retourner encore une fois dans ma chère
patrie qui est à jamais gravée dans mon cœur. »
Le 6 décembre 1810 il écrivait au même M. Du-
tïoist : «Je viens de recevoir trois fois la Gazette de
» Liège : c'est vous ou M. Henkart qui me les en-
voyez, je n'en doute pas, et pour augmenter ma
» reconnaissance envers vous deux, vous gardez
«l'anonyme : et ce n'est que depuis peu de jours
»que je sais que vous avez fait des démarches au-
»près des autorités de Liège, pour faire réussir le
» projet de la place qui porte mon nom et qui rend
»ma mémoire impérissable, dans la ville où je suis
»?lé , ET OÙ JE VOUDRAIS Qll'l'N JOUR MON COEUR FUT
» TRANSPORTÉ. »
GRÉTKY. 07
C'est encore à propos de la même cérémonie, à
laquelle il ne put assister, qu'il écrivait le 20 dé-
cembre 1810, toujours au même M. Dumont : « Vous
»ne cessez, mon cher ami, de vous occuper de
»moi , j'en suis touché jusqu'aux larmes; votre
» cantate (1) que je reçois est excellente et cent fois
«au-dessus de ce que je puis mériter. Vous voulez
»que j'aille à Liège pour le il février : ah mon
»ami ! je puis vous dire que je ne supporterais ni
»le voyage, ni la cérémonie qui me touche de trop
»près. Chaque fois que je m'expose au froid, je
» crache le sang : voilà où 55 opéras sortis de ma
» pauvre tête m'ont réduit Non , dans ma bonne
» ville, au milieu de vous , j'étoufferais de joie , et
»vous ne voulez pas que je meure encore...»
(1) Pour l'inauguration delà place Grétry, M. Henkart avait
fait une cantate que M. B. E. Dumont avait mise en mu-
sique. — Cette pièce avait été imprimée chez Latour avec un
chant de M. Rouveroy sur l'air du quatuor de Lucile : Où
peut-on être mieux? et des couplets de Basseinue aine sur l'air
du vaudeville de la Fausse Magie. ( 3 juin 1811.8 p. in-8.)
(38 GRETRY.
En 1811 répondant à Henkart qui venait tic lui
adresser une petite notice sur le peintre Fassin (1)
(leur ami commun venait de mourir) : «Votre article
"nécrologique est très-intéressant, lui dit-il ,... et il
ajoute :« mon ami , je vous retiens pour un autre :
» bonjour, aimez-moi, je vous prie, j'en ai besoin, car
»je sens que je vous aime chaque jour davantage.»
Dans la même année , après avoir rappelé, selon
son usage, la tendre amitié qu'il portait particuliè-
rement à M. Fabry, à Henkart et à Bassenge il ex-
prime de nouveau à son ami Dumont l'espoir d'aller
encore une fois dans sa bonne ville ; mais pas dans
cette circonstance , il venait d'avoir des accès de
fièvre qui l'avaient cruellement fatigué (avril 181 1 .)
Le 10 mars 1812, il commençait ainsi une lettre
par laquelle il prenait part à une souscription de
bienfaisance.
« Je suis toujours Liégeois par le cœur, mon
cher ami , voulez-vous bien avoir la bonté de
m'inscrire pour un louis dans la collecte que l'on
(1) Voir sa notice dans les Vies de quelques Belges par l'au-
teur de cette vie de Grêtry.
GRETRï. C9
fait pour nos malheureux bouilleurs. Priez Madame
Bassenge de vous remettre celte somme que je res-
tituerai à son mari lors de son arrivée à Paris. »
On sait qu'il avait fait, à la fin de sa carrière,
l'acquisition de l'ancienne habitation de Jean-Jac-
ques Rousseau , connue sous le nom de Y Ermitage ,
à Montmorency. C'est là que cette âme toujours
ardente , mais bonne , mais simple , mais amie de
la nature se plaisait à s'épancher encore, non plus
dans des compositions dont le travail e'tait désor-
mais au-dessus de ses forces , mais dans d'aimables
entretiens avec ses confrères , presque tous plus
jeunes que lui , et à qui il prodiguait ses conseils
bienveillants. Ecoutons M. Bouilly , s'adressant
à ceux-là mêmes dont nous venons de parler
et invoquant leur témoignage à l'appui de la vérité
de ses paroles , prononcées solennellement près de
la tombe du grand musicien.
« La nature, en dotant Grétry de ce qui fait un
«homme célèbre, y joignit tout ce qui constitue un
»homme aimable : jamais on ne réunit à la fois plus
»de finesse et de simplicité, une âme plus expansive,
»un esprit plus observateur. Fier avec les grands,
5
"0 GRÉTRY.
» simple avec ses amis . affable avec ses inférieurs ,
»il sut constamment se faire honorer et chérir. Avec
» quelle grâce il se plaisait à dessiller les yeux des
»jeunes artistes égarés par quelques succès éphé-
» mères: son plus grand plaisir surtout était de con-
»so!er, d'encourager ceux qui ne pouvaient parvenir
»à se faire connaître. Il leur rappelait alors l'époque
»de sa jeunesse } où lui-même il entendait rejeter
» ses vœux, dédaigner ses efforts, mettre en problème
»son propre mérite, et il leur disait : N'oubliez pas
«que les jouissances d'une grande réputation sont
» toujours en proportion des difficultés qu'on éprouve
»à l'établir. Plein du souvenir de ce qu'il avaitsouf-
»fert en commençant sa carrière, Grétry prit la
» douce habitude de s'en venger , en traitant avec
»une bonté remarquable les jeunes compositeurs
«qui présentaient sur la scène, les prémices de
» leurs travaux. »
Songeons que ces paroles étaient prononcées en
présence de Gossec , le Nestor des compositeurs
?t l'ami intime de Grétry , de Cherubini qui l'avait
aussi beaucoup aimé, de Champein l'auteur de la Mélo-
manie, dePAER, que la bataille de léna avait conquis
GRÉTRY. 71
à la France, de Cvtel élève deGossEC, de iMéhul qui
peu d'instants auparavant venait de faire en-
tendre les mêmes éloges ,.de Lesueur , de Berton ,
de Persuis et de Nicolo qui aimaient «à se dire
élèves de Grétry, de Boieldieu revenu de la Russie
deux ans auparavant, et en un mot de tous les com-
positeurs que rassemblait la capitale de l'empire.
« Vous qui m'entourez en ce moment, leur disait
»M. Bouilly, et qui , marchant sur ses traces, arri-
verez un jour à l'immortalité, rappelez-vous lac-
«cueil paternel qu'il vous faisait sans cesse , la part
»qu'il prenait à vos succès, les avis qu'il s'empres-
»sait de vous donner , pour en perpétuer la durée :
«récapitulez avec moi les entretiens profitables, les
» discussions lumineuses où ce grand compositeur
«aimait à descendre jusqu'à vous, pour vous élever
«jusqu'à lui. Ah ! quand il recevait ceux qu'il ap-
»pelaitses légataires^ quel charme dans ses expres-
sions, quelle ivresse sur tous ses traits ! C'était un
«chef d'école qui se voyait renaître dans ses élèves :
«c'était un père heureux et fier de ses enfants, dont
«il entrevoyait dans l'avenir le bonheur et la gloire.
«Un jour, il m'en souvient, l'un de vous s'entretenait
72 GRÉTRY.
«avec lui sur les moyens d'exprimer les passions et
»de peindre la nature. Ce grand maître le pressant
»dit avec le plus tendre sourire : En voilà, encore tin
»qui me console de vieillir. . . »
Un mot comme celui-là suffit pour peindre Grétry,
parce qu'il rappelle à la fois tout ce qu'il y avait de
douce bienveillance , de grâce et de sensibilité dans
l'âme du vieillard.
L'anecdote suivante prouve aussi combien il était
rival généreux et ami sûr. Monvel auteur de
l'ope'ra des Trois Fermiers dont la musique est de
Dezàides était venu proposer à Grétry de faire celle
de Biaise et Babet . « Comment, dit Grétry, vous ne
donnerez pas à Dezàides cette pièce , suite des Trois
Fermiers^ — Nous sommes brouillés , répond Mon-
vel , Dezàides m'a joué un tour... Et il faut absolu-
ment que vous me vengiez. — « Mon cher Monvel ,
reprend Grétry; si j'acceptais votre poëme, je
n'aurais pas fini la l re scène que vous seriez rac-
commodés et vous viendriez alors me trouver d'un
air embarrassé... Tenez Monvel, remportez votre
pièce , restons amis et que ce ne soit pas la ven-
geance qui nous fesse travailler ensemble » : Monvel
GRETRY. 73
et Dezaides redevinrent amis , firent la pièce en-
semble et virent redoubler leur estime pourGnÉTRY.
Méiiul et Bouilly s'accordent aussi avec tous ceux
qui l'ont connu dans l'intimité et qui l'ont vu dans
le monde , pour reconnaître que nul mieux que
lui ne sut allier à l'imposante dignité de l'homme
qui a conquis la célébrité par de longs et honora-
bles travaux , cet esprit des convenances , ce tact
sûr et délicat , celte urbanité française dont l'an-
cienne cour offrait les plus parfaits modèles ; et qu'il
savait concilier avec une noble franchise.
On sait que Napoléon, qui avait bien aussi sa
grâce quand il le voulait , négligeait trop souvent ces
petits avantages qui relèvent pourtant beaucoup
les moindres paroles des hommes en évidence. Trop
souvent l'Empereur, impatient peut-être du joug
du cérémonial et de l'étiquette des grandes récep-
tions auxquelles il s'était assujetti , passait assez
brusquement d'une personne à une autre et jetait
au hasard et d'un air distrait quelques questions
dont parfois il n'attendait pas la réponse. Grétry
déjà célèbre longtemps avant la révolution, Grétry
qui avait été de la première formation de l'Institut
74 GKETRY.
dans la section de musique de la classe des beaux-
arts , Grétry que Napoléon lui-même avait nommé
chevalier de la Légion-d'Honneur à la création de
son ordre , ne devait pas s'attendre sans doute , à
être ainsi confondu dans la tourbe des grands que
'Empereur traitait comme nous venons de le dire.
Un jour pourtant le conquérant se retournant tout-
à-coup vers lui l'apostrophe de son brusque Com-
ment vous nommez-vous? — Toujours Grétry, Sire,
répond sans hésiter, et avec son sourire fin et gra-
cieux , l'aimable et spirituel compositeur , qui
n'avait rien gagne au nouveau régime.
La promptitude et la netteté de sa conception peu-
vent seules expliquer la facilité avec laquelle il trou-
vait ainsi des reparties toujours vives et originales et
très-souvent fort heureuses. A une séance de la classe
des beaux-arts, David assis près de Gbétry s'amusait
à faire le croquis d'une africaine dans son costume
primitif. Soit l'effet de la distraction du grand
peintre, soit par toute autre cause, le dessin était
assez médiocre : quelqu'un dit pourtant à David :
'< Savcz-vous que ce chiffon de papier peut devenir
»un jour bien préririiv '.'--- \ eiix-tu qu'il le devienne
GRETRY. 75
«encore plus? reprend David en se tournant vêts
Grétry : a Ecris sous ce dessin quelque principe
relatif à ton art. » — Grétry prit la plume et écrivit :
Une blanche vaut deux noires.
Madame la comtesse de M épouse de l'ambas-
sadeur dîme cour étrangère venait un jour solliciter
son suffrage pour un protégé d'un mérite équivo-
que qui devait bientôt être présenté à l'institut.
« Je ne le connais que très-peu , répondit Grétry :
»mais protégé par vous, Madame, et sans doute aussi
»par la cour, il n'a nul besoin de mon suffrage. »
L'artiste profilant du privilège de sa profession fait
une révérence à la grande dame étonnée et va se
remettre devant son piano.
Ces traits et beaucoup d'autres du même genre
que l'on pourrait citer prouvent qu'il se souciait
peu d'une réputation de galanterie étrangère au
véritable sentiment. « Ta femme est-elle musicienne.
» demanda-fil \\\\ jour à un jeune artiste qu'il
oaimait? — Oui. — Aime-t-elle ma musique ? —
«Beaucoup. — Pleure-t-elle à Richard? — Tou-
jours. — Rit-elle au Tableau parlant? — Sans
» doute. — A la bonne heure. Au moins qu'elle ne
76
GRETRY.
» ressemble pas à nos petites maîtresses qui babillent
» pendant c[u Azor chante : Du moment qu'on aime,
«baillent au duo du Tableau parlant , et tracassent
«leurs maris pendant le quatuor de Lucile. Amène-
«nous ta femme demain. »
Il avait épousé la fille d'un peintre lyonnais nommé
Grandois, le maître du célèbre Greuze. Nous avons
pu juger par ce qu'il rapporte de son entretien
avec Jean-Jacques du cas qu'il faisait du naturel et
de la sincérité de sa femme. Il raconte aussi d'une
manière touchante les soins qu'elle lui donnait
quand il était malade et la joie qu'il ressentit quand
sa bonne mère témoin des veilles qu'elle supportait
avec tant de sérénité pour le soulager, conçut pour
elle une amitié presque aussi vive que pour lui et
leur promit à tous deux de ne jamais les quitter.
Dès que la fortune avait commencé à sourire à
Grétry , il s'était empressé de faire venir auprès de
lui toute sa famille. L'un des hommes avec lesquels
il s'était lié le plus intimement , était le peintre
Greuze, dont le père de sa femme avait eu le mé-
rite d'encourager, de guider et de produire le talent
original. L'on s'explique aisément la sympathie qui
GRÉTRY. 77
devait exister entre Grétry et le peintre qui mettait
dans toutes ses compositions , du sentiment, de lu
bonhomie , de la finesse sans recherche et des
grâces naturelles. La vie de famille plaisait beau-
coup à notre compositeur et l'on sent combien il
dut souffrir de la perte successive de ses trois filles.
Lugile surtout , la seconde , celle qui , à treize ans ,
avait fait la musique du petit opéra intitulé : Le
Mariage d'Antonio^ était devenue par son heureuse
organisation musicale et par les aimables qualités
de son caractère , la compagne la plus chère et la
plus assidue du bon vieillard, et ce n'est pas sans
de bien pénibles déchirements qu'il put s'accoutu-
mer à se passer de cette douce société.
Nous avons vu dans un extrait de sa correspon-
dance avec M. Henkart , le retour qu'il faisait sur
lui-même en apprenant la mort du peintre Fassin :
ce genre de courage , il l'avait depuis longtemps ,
car il avait commencé plus de vingt-six ans avant
sa mort un De Profimdis qu'il voulait faire exécuter
pour la première fois à ses propres funérailles.
« Cotte idée n'est pas trop triste, disait-il à ses amis,
» pour celui qui désire detre regretté: et si, de toute
7J5
GKETKY.
«manière, elle est un peu sombre, j'en ai besoin
»pour bien traiter mon sujet. »
Il travaillait encore à ce De Profundis , qu'il est
bien singulier qu'on n'ait pas retrouvé, huit jours
avant sa mort. Berton pour qui il avait toujours eu
l'estime la plus particulière et l'amitié la plus vive,
était venu lui rendre une visite , que , d'après le
bruit public , il s'attendait bien à ne plus pouvoir
renouveler. Grétry lui parla avec un admirable
sang-froid de son De Profundis qui ne devait pas
tarder, disait-il lui-même , à être enfin exécuté.
« Mon cher Berton , ajouta-t-il , c'est toi que
i)je charge de ce soin ; mon bon Persuis me rendra
»le service d'en diriger l'exécution : tu t'entendras
»avec lui. Mais écoute, mon bon ami ; j'ai toujours
» remarqué que les contrebasses avaient dans les
»églises, un son extrêmement sourd ; pour éviter
»cet inconvénient , je te prie de les faire placer sur
»des marche-pieds très-élevés. »
C'est avec cette sérénité du sage , que , malgré
les vives douleurs qu'il endurait fréquemment dans
ses dernières années, Grétry mourut à XErmitage^
le °24 septembre 1813. On «Mil bran chercher le
GltETKY.
71)
De Profanais dont il avait parlé souvent et auquel
tous ses amis savaient qu'il avait travaillé depuis si
longtemps. Celui qui fut exécuté à ses obsèques
était delà composition de son vieux ami Gossec ; on
exécuta également la belle marche funèbre que ce
dernier avait écrite pour les funérailles de Mirabeau.
Méhul , Marsollier , Berton et Bouilly tenaient les
quatre coins du drap mortuaire. Lorsque le convoi
s'arrêta devant le théâtre qu'il avait doté de tant et
de si aimables compositions, la musique fit entendre
le fameux trio de Zémirc et Azor : Ah! laissez-
moi , laissez-moi la pleurer : et les nombreux ar-
tistes qui composaient le cortège accompagnèrent
cette déchirante mélodie des larmes réelles et sin-
cères que leur arrachait la perte du grand musicien
qui avait su se concilier l'affection de tous ses
rivaux.
On sait comment la possession de son cœur ,
dont ses neveux, fidèles exécuteurs de sa volonté,
avaient fait hommage à la ville de Liège . fut en-
suite disputée par un M. Flamand qui , devenu pos-
sesseur de X Ermitage, trouvait dans la conservation
de ce précieux dépôt un moyen de plus pour attirer
80 GRÉTRY.
les visiteurs chez lui et faire ainsi prospérer ce ro-
mantique séjour converti par l'esprit de spéculation
en une sorte de Wauœ-Hall public. On sait aussi
comment la justice administrative de la restauration
se signala honteusement dans cette circonstance en
mettant obstacle à l'exécution des arrêts de la cour
de Paris qui ordonnaient la restitution du cœur
de Grétry à sa bonne ville de Liège.
L'enthousiasme qui présida à la réception solen-
nelle de ce don si cher, rendu enfin aux Liégeois
en 1829, a réfuté assez haut les absurdes récits
qu'avaient pu accréditer l'ignorance ou la mauvaise
foi pendant ces débats trop prolongés.
Oublions maintenant cette folle contestation, que
nous avons trouvée presque partout mal rapportée,
pour ne plus songer qu'à la fête qui s'apprête.
Rappelons-nous le chaleureux empressement qui
accueillit la cantate de M. Dumont , lors de l'inau-
guration de la place Grétry ; n'oublions pas sur-
tout qu'une autre cantate , œuvre d'un digne
neveu de Méhul, répondit aussi parfaitement à l'en-
thousiasme toujours croissant des Liégeois, quand
le cœur de Grétry nous fut rendu; et maintenant
GRETRY. 81
que la possession de ce gage précieux de sa ten-
dresse nous est assurée , évoquons surtout, pour
la gloire de notre pays, le souvenir impérissable
de son nom , et pour nos plaisirs, celui des chants
heureux qu'il nous a lègues.
OUUYHKS DE C.HKTR1.
POUR L'ÉGLISE.
1° Messe solennelle à quatre voix, à Liège, en 1759.
2" Confiteor à 4 voix et orchestre, à Rome, en 1762. La
bibliothèque du Conservatoire de musique de Paris
possède le manuscrit autographe de cet ouvrage. )
3° Six motets à deux et trois voix , à Rome , en 1763 et. an-
nées suivantes.
4° De Profundis (Voyez les Essais sur la musique, t. I,
p. 78 et 79).
f>" Musique du Psaume : Confitehor tibi Domine ( 1765) qui
remporta le prix au concours pour la place de maître
de chapelle alors vacante à Liège (V. p. 17 de cette
notice). La ville de Liège est sur le point d'en faire
l'acquisition.
MUSIQUE INSTRUMENTALE.
1° Six symphonies pour orchestre , à Liège, en 1758.
2° Deux quatuors pour clavecin , flûte , violon et basse ,
graves à Paris, 1768, et ensuite à Offenbach, comme
œuvre 1 er .
3° Six sonates pour le clavecin , Paris , 1768.
4° Six quatuors pour 2 violons , viole et basse , œuvre 3 e ,
Paris, 1769. Les thèmes de ces œuvres de musique
instrumentale se trouvent dans le 9 e supplément du
catalogue de Breitkopf, Leipsick, 1774.
84 GRETRY.
OrERAS.
1° 1765 Le Vendemiatrici, intermède italien du théâtre
d'Alberti, à Rome.
2° 1767 Isabelle et Gertrude, paroles de Favart , jouée à
Genève.
3° 1768 Le Huron, paroles de Marmostei., en 2 actes.
4° 1769 Lucile , paroles de Marmontel, en 1 acte.
5° 1 769 Le Tableau Parlant, paroles d'ANSEACME, en 1 acte.
6° 1770 Sylvain, paroles de Marmontel , en 1 acte.
7° 1770 Les deux Avares, paroles de Fenocillot et Fai-
baire.
8° 1770 L'Amitié à l'épreuve , paroles de Favart , en 2
actes , réduit en un acte, 1776, remis en 3 actes en
1786.
9° 1771 Zèmire et Azor, paroles de Marmontel, en 3 actes.
10 e 1772 L'Ami de la Maison, paroles de Marmontel , en
3 actes.
11° 1773 Le Magnifique, paroles de Séoaire, en 3 actes.
12° 1773 La Rosière de Salencu , paroles du marquis de
Pezai, en 4 actes, puis en 3 actes , en 1774.
13° 1774 La Fausse Mayie , paroles de Marmontel , en
2 actes.
14° 1775 Céphale et Procris , paroles de Marmontel, en
3 actes.
15° 1776 (Reprise) Les Mariayes Samnites . paroles de Dr
GRÉTRY. 8S
Itosoix, repris eucure avec des changements, en 1782.
en 3 actes.
16 e 1777 Les Divertissements d'Amour pour Amour, co-
médie de Laciiaussee , sur des paroles de Laujon , pour
la cour.
17° 1777 Matroco, paroles de Laujon, en 4 actes.
18° 1777 Les Filles Pourvues, compliment de clôture pour
la comédie italienne , paroles d'ÀNSEAintE , pour la
cour.
19° 1777 Momus sur la terre, prologue donné au château
de la Rocheguyon , paroles de Vatelet.
20° 1778 Les trois âges de l'Opéra , prologue dramatique ,
paroles de Saint- Alphonse.
21° 1778 Le Jugement de Midas , paroles de d'Hèle , en
3 actes.
22° 1778 V Amant Jaloux ou les Fausses Apparences , pa-
roles de d'Hèle, en 3 actes.
23° 1779 Les Événements Imprévus . paroles de d'Hèle , en
3 actes.
24° 1780 Aucassin et Nicolette , paroles de Sedaihe , en
3 actes (avait été joué à Versailles en 1779).
25" 1780 Andromaque , paroles de Pitra , en 3 actes.
26° 1781 Emilie, paroles d'un anonyme, en un acte.
27° 1782 Colinette à la Cour ou la Double Épreuve, pa-
roles de Lobrdet de Santerre , en 3 actes.
28° 1782 L'Embarras des Richesses, paroles de Lourdet de
Santerre, en 3 actes.
80
GRETRY.
29° 1783 La Caravane du Caire, paroles de Morkl de Che-
deville , en 3 actes.
30° 1783 La Jeune Thalie ou Thalie au Nouveau Théâtre,
prologue pour l'ouverture du Théâtre Favart, parole
de Sedaine.
31° 1784 L'Epreuve Villageoise, paroles de Desforges, en
2 actes, jouée d'abord sans succès en 1783 sous le
titre de Théodore et Paulin, en 3 actes.
32° 1785 Richard Cœur-de-lion , paroles de Sedaine , en
3 actes.
33° 1785 Panurge dans l'Ile des Lanternes , paroles de
Moiiel de Chedeville, en 3 actes.
34° 1786 Le Comte d'Albert, paroles de Sedaine , en 2 actes.
o^>° 1786 Les Méprises par ressemblance, paroles de Patuat,
en 3 actes.
36° 1787 La Suite du Comte d'Albert, paroles de Sedaike,
en 1 acte.
37° 1787 Le Prisonnier Anglais , paroles de Despottaines,
en 3 actes, remis au théâtre en 1793, avec des chan-
gements sous le titre de Clarice et Belton.
38° 1787 Aspasie , paroles de Morel de Chedeville , en
3 actes.
39° 1788 Amphitryon , paroles de SedaIne , en 3 actes.
4 0° 1788 Le Rival Confident, paroles de Forgeot , en "2
actes.
41° 1789 Raoul- Barbe-bleue , paroles de Sédaine , en
3 actes.
GRÉTRY- M
42° 1700 Pierre-le-Grand , paroles de Bouilly , en 3
actes.
43° 1791 Guillaume Tell, paroles de Sedaine, en 3 actes.
44° 1792 Basile ou A Trompeur Trompeur et demi , en
1 acte , paroles de Maréchal.
45° 1792 Les deux Couvents, en 2 actes, paroles d'un ano-
nyme.
46° 1794 Dc7iis!e-Tyran, Maître d'école à Corinlhe, paroles
de Maréchal, en 3 actes.
47° 1794 La Rosière Républicaine , paroles de Maréchal , en
3 actes.
48° 1794 Joseph Barra, paroles de Lévrier, en l'acte.
49° 1794 Callias , ou Amour et Patrie, paroles d'HoFFMANiv,
en 1 acte.
50° 1797 Lisheth , paroles deFAViÈREs, en 3 actes.
51° 1797 Anacréon chez Polycrate, paroles de J. H. Gcv ,
en 3 actes.
52° 1797 Le Barbier de Village, à l'Opéra, paroles d'un
anonyme, en 1 acte.
53° 1799 Elisca, au théâtre Feydeau, paroles de Favières
et Grétry neveu , en 1 acte.
54° 1801 Le Casque et les Colombes, paroles d'un anonyme,
en 1 acte.
55° 1803 Dclphis et Mopsa , paroles d'un anonyme, en
3 actes.
88 GRETRY.
Il a laissé aussi en manuscrit les partitions d'opéras non
représentés dont les noms suivent :
56° Alcindor et Zaïde , paroles de S*** , en 3 actes.
57° Ziméo , paroles d'un anonyme , en 3 actes.
58° Zelmar ou. l'Asile, paroles d'un anonyme, en 1 acte.
o9° Diogène et Alexandre , paroles de Maréchal, en 3 actes.
60° Electre , paroles de Thilorier , en 3 actes.
61° Les Maures d'Espagne , paroles d'un anonyme , en
3 actes.
OEUVRES DE LUCILE GRÉTRY.
V 1786 Le Mariage d'Antonio (suite de Richard), paroles
de Mad. De Beaunoir , en 1 acte.
N. B. Lucile Grétry avait alors treize ans.
2° 1787 Toinette et Louis, par la même, en 1 acte.
Cette partition n'a pas été gravée.
M. Castu-Blaze a donné, en 1827, un choix de morceaux
des opéras de Grétry, arrangé avec accompagnement de
piano , sous le titre de Grétry des Concerts.
PURLICATIONS LITTÉRAIRES.
1° Mémoires ou Essais sur la Musique, 1 vol. in-8. Paris ,
1789.
2° Le même ouvrage, avec deux volumes additionnels, de
l'Imprimerie du Gouvernement , 3 vol. in-8, 1797.
3° La Vérité ou ce que nous fumes, ce que nous sommes,
ce que nous devrions être, 3 vol. in-8. Paris, 1801.
4° Méthode pour apprendre à préluder en peu de temps
avec toutes les ressources de l'harmonie. Paris, 1802.
TABLE GÉNÉRALE.
AiGN*N,a prononce un dis- riages samnites qu'il attribue
cours aux funérailles de Gré- au mauvais vouloir des acteurs
try, (V. le Moniteur du 29 de l'Opéra, p 24. —Était des
septembre 1813) p. 6. petits soupers chez le comte
Amar, a fait une notice sur De Creetz ou chez Mad. La
Grétry insérée au Moniteur uuette, p. 30. — Connaissant
du 30 septembre 18 là, p. 6. parfaitement la théorie des
Arnaud (L'abbé) console beaux arts donnaitd'utilescon-
Gretry de la chute des Ma- seils à Grétry, p. 81.
B
Bassenge aîné . loué dans le charger de faire exécuter un
discours de M. Renard, P . 48.— De profundis qu'il achevait,
Auteur d'un chant fait pour disait il,pourlui-méme,78-79.
l'inauguration de la place Gre Tenait un des quatre coins
try. p. 67. du poêle, p. 79.
Bellini , semble avoir été Boieldieu revenu de la Russie
pénétré de ce que disait Gré- deux ans avant la mort de Gré-
try, quand il composa les plus try, p. 70.
beaux morceaux des Puritani, Bocilly , tenait l'un des
de la Norma, etc. , p. 3S. quatre coins du poêle aux fu-
Berton , assistait aux funé- nérailles de Grétry, p.79.— Et
railles de Grétry, dont il ai- fit son éloge au nom des au-
maitàse dire l'élève, p. 70.— teurs dramatiques, p. 6.—Ex-
Grétby, huit jours avant sa trait de cet éloge, p. 69-70. —
mort avait prié Berton de se Autre extrait, p. 71.
00 TABLE.
C
Caillot , excellent acteur qui demandèrent au gouver-
et chanteur de la Comédie- nement l'impression des Mé-
Italienne, qui donnait de très- moires de Grétry , par l'impri ■
bons conseils à Gretry,p. §0- merie nationale, dans l'intérêt
31. de l'art, p. 62. — Assistait aux
Casali , choisi par Grêtry, funérailles de Grétry. p. 70.
à son arrivée à Rome, pour Clairon ( M" e ). Grêtry la
maitre de contrepoint, p. 15. priait de déclamer devant lui,
Catel assistait aux funé- les morceaux qu'il avait envie
railles de Grétry, p. 70. de mettre en musique, p. 32.
Champeim est un des com- Creutz ( Le Comte De )
positeurs dramatiques qui de- ambassadeur de Suède, pro-
mandèrent l'impression des tecteurde Grétry, p. 23. — Le
Mémoires de Grétry aux frais console de la chute des Ma-
du gouvernement, dans Tinté- riages sa?n?iites , qu'il attribue
rêt de l'art, p. 62. au mauvais vouloir des comé-
Cherlbini partageait l'opi- diens. — Obtient de Mariwostel
nion de Grétry sur le danger son poëmedu fluron pourGRÈ-
de prodiguer les grands effets try, p. 24. — Donnait de petits
demusique.p.34.— Sa musique soupers charmants où Grétry
dramatique plus énergique que essayait sa musique au clavecin
cel!edeGRÉTRY,p. 56. — Est un avant de l'exposer au théâtre,
des compositeurs dramatiques p. 30.
D
Dalayrac, , ami de Grétry , 1829 pour la remise solennelle
est un des compositeurs qui du cœur de Grétry. p. 80.
.•idressèrentunerequêleaugou- David, ce que Guétry écrh it
vcrnement républicain pour un jour sous un dessin île
faire imprimer les Mémoires David, p. 7-4.
de Grétry , à l'imprimerie Devienne est un des compo-
nationale , dans l'intérêt de siteurs dramatiques finirais
l'art, p. 52. qui demandèrent au gouverne-
Daussoigne, neveu de Méiiii., ment, dans l'intérêt de Kart ,
auteur de la cantate faite en l'impression des Mémoires de
TABLE. 91
Grétry par l'imprimerie royale, liégeois, p. 66. —Auteur delà
p. 62. musique faite sur une cantate
Dezaides auteur de la mu- dont les paroles étaient de
sique des Trois Fermiers de Heivkart pour l'inauguration
Mortel. Grétry lui renvoya de la Place Grétry, p. 67. - —
Biaise et Bahet qui en est la Rappelée p. 80.
suite, p. 72. Dcpii , compositeur des pre-
Dcmont, sa correspondance miers opéras-comiques fran-
avec Gkétry , p. 66-68. — çaisqui eurent du succès, p. 17
Avait envoyé à Grétry un duo -Tl.
E.
Ei.leviou, trouvant les mé- à la mode Richard, X Ami de
lodies expressives de Grétry la Maison, \e Tableau parlant,
plus propres à faire ressortir Zémire et Azor , etc., p. 57.
son talent de chanteur , remet
Fabre d'Egi.antine , corné- et Gertrude est remis en mu-
dien disgracié à Liège à l'é- sique par Grétry et joué avec
poque où Grétry vint visiter succèsàGenève, p. 18. — Possé-
savillenatale, p. 49. —Célèbre dait parfaitement le talent de
la venue du grand composi- disposer et de couper les pa-
teur par une é pitre dont le rôles pour la musique, p. I'l. —
succès rétablit les affaires de Préféré à d'Hèle par Lauarpe,
l'auteur futur du Philinte de p. 45.
Molière , etc. , p. 50-51 .
Fabry ( Bourgmestre de Fétis (F. J.) a fait une im-
Liége ). Grétry rappelle la portante notice sur Grétry dans
tendre amitié qu'il lui portait sa Biographie universelle des
dans presque toutes les lettres Musiciens, p. 7. — Son opinion
qu'il adressait à d'autres lié- surle Tableau parlant , y. 1$. —
geois, p. 68. Sur Sylvain, les Deux .traies
Fassin, ami commun de et l'Amitié à Fépreuve, p. 83.
Hkmvart et de Gkétry, mort en Sur Zémire et A sor, p. 85-36.
1811 , p. 67. — Longue citation sur les
Favart, son opéra d'Isabelle changements survenus dans
92 TABLE.
la musique pendant la vie de Flamand, qui avait épousé
Grêtry , p. 56-58. une nièce de Grêtry , disputa
Fétis (Edouard) a fait une à la ville de Liège la possession
notice sur Grêtry, pour les du cœur de notre grand com-
Belges illustres du Panthéon positeur , p. 79.
national, p. 7.
G
Gavaudan , a prononcé un duit le talent de GRsxz.E,p.76.
discours aux funérailles de Grêtry, ses Mémoires, prin-
Gketry {Moniteur du 29 7bre. cipale source où l'on a puisé
1813), p. 6. pour faire sa notice, p. 5. — Un
Gerlache (De) auteur d'un assez bon nombre de ses lettres
Essai sur Grêtry. travail très- '"édites ont été communiquées
remarquable, p. 6.-Comme il a Ijuleur de celte notice, p./.
caractérise la musique de Gré- T N *" Llc S«' ^ns le quar-
try, p.29._Cequ'ilditdeZé- tier ^? u Jre-Meuse , le 11 fe-
• * a „.. « Qfi <\1 vrier 1/41 , p. 8. — Entant de
mire et Azor , p. êb-6/. — ' |r . ..
i'i »:i e :. A„ v /™,v A a l„ choeur a Saint-Denis, îb. ■ —
Eloge qu il lait de I Ami de la , „ ' .
Maison, p. 38. - De Y Amant Confie aux s0,nsd , "n™«™ de
Jaloux, p. 48.- De Richard musique nomme Leclerc, p. 9.
j t i*~ w ho K<3 — Son goût pour la musique
cœur de Lion , p. ol-oà. — ® 1 i
n / /■* „-,..,„ « ka se développe en entendant
De la Caravane, p. 54. . ri .
jouer du Pkrgoi.èse a Liège par
Gluck, avait failli étouffer Gre une troupe italienne, p.9-10.—
try, p. 41. Grêtry repousse mo- Comment il réussit en chan-
destement un compliment du tant un molet à Saint-Denis,
prince Henri de Prisse, que p ]0 .,i _ r mnekw lui en-
Glusk, dit-il, mérite mieuxque se igne les principes de l'har-
lui,p. 52. monieetMoREAulecontrepoint,
Gossec, ami de Grêtry assis- p. 12. — Fait six symphonies,
lait à ses funérailles, 70. —La p. 13. — et une messe, dans
marche funèbre qu'il avait l'espoir d'obtenir un subside
composée pour Mirabeai fut pour aller à Rome. Le cha-
exécutée au convoi de Grêtry. noine De HarlezIc lui fait obte-
p. 78. nir. p. 13. — Part pour Home à
'<;RAMii>N,peinlrclyoniiaispère pied, fin mars 1789 .p. 14.
le la femme de Grktry. C'est \ arrive à 18 ans . prend pour
lui qui avait encouragé et pro- maître de contrepoint Gasai.i .
93
TABLE. '
p. 15. — Compose des scènes lent que Grétry fasse la musi-
délachées et des symphonies que de leurs poèmes; mais ce-
qui sont jouées avec succès lui-ci accorde la préférence à
chez les amateurs , p. 115. — Marmostel qui s'est hasardé
Fait à Rome un intermède qui avec Iui,p27.- Ilsfontensem-
est applaudi par Piccini lui- hleLucile, p. 27. — Grètry fait
même, p. 16. — A encouru une ensuite le Tableau parlant
amende de cent sequins dont 1769. Analyse de cette pièce,
il est relevé, p. 16-17.— Cou- chef-d'œuvre degaîté, p. 28-29
court pour uneplace de maître — Mot de Je an- Jacques Rous-
de chapelle à Liège et l'obtient, seau sur cette pièce qu'il ai-
p. 17. — La musique de ce mor- mait beaucoup, p. 29. — Grétry
ceau était sur le Pseaume se faisait déclamer par les
Confitebortibi Domine, p. 16 — meilleurs acteurs, par M" e
La partition de Rose et Colas Clairon, entr'autres, les paroles
de Monsigny lui inspire un qu'il voulait mettre en musi-
vif désir de se rendre à Paris que, p. 32. — En 1770 fait Syl-
pour chercher des poëmes du vain, les deux Avares, et 1 A-
même genre, p. 18. — S'arrête initié à l'épreuve, p. 33. — Son
à Genève où il donne des le- opinion sur la prodigalité des
tons pour gagner les frais de grands effets de musique parta-
son voyage, remet en musique gée par Méuul , Lemoine, Che-
un opéra de Fa vart qui réussit, rueini et Lesueur, 3-4. — %é-
p. 18. — Anecdote d'un maître mire et Azor: ce qu'en dit M.
de danse gascon , qui veut lui Fétis, 35. — Ce qu'en dit M.
apprendre à faire la rêvé- De Gerlache, p. 36-37. — Réta-
rence, p. 19. — Sa visite à Vol- blit les finances de plusieurs
tvire, qui, deux ans après, lui directions deprovince, p. 54.—
envoya un opéra, p. 20-21. — VA tni de la maison, p. 38.
Voltaire lui conseille d'aller à — Le Magnifique , la Rosière
Paris, p. 22.— Est obligé de de Salency et la Fausse
travailler d'abord sur le poème magie, p. 39. — Est présenté
d'un débutant inexpérimenté, à J. J. Rousseau h une re-
— Chute de ses Mariages présentation de la Fausse
Sumnites , chez le prince de magie, leur entrelien, — rup-
Conti , p. 23. — Le comte ture, p. 39-41. — Pour lutter
de Creutz et Suard le con- contre Gluck il fait Cèphale et
soient, p. 23- 24. — Mar- Procris, A ndromaque, etc. -42.
montel fait pour lui/e Huron. — Retourne à son genre avec
Succès de ccllepièce ,p. 25. — \eJugementde Midas, p. 42. —
Cequ'endisaitGrimm,p.25-26. Quatrain de Voltaire, p. 43. —
Tous les auteurs d'opéras veu- //amant jaloux, p. 43.— Jugé
94 TABLE.
par M. de GERi.AciiE,p. -43, par sique dans Pierrc-le- Grand ,
La Harpe, p. 44. — Les Evène- Lisbeth, Guillaume Tell, et
vients imprévus et Aucassin Elisca,p^l . — Elleviou remet
et Nicolette, étrange naïveté à la mode Richard, L'ami de la
deSÉDAnE,p.-i5. — Lesgarçons maison , Le Tableau parlant,
de théâtre savaient tous les Zèmire et Azor, ibid. — Gré-
airs par cœur avant la l rc re- try attachait peu d'importance
présentation, p. -'i6. — 1780. Le à l'instrumentation de ses ou-
conseil de la cité de Liège dé- vrages. C'est Panseron, père,
crête que le buste de Grétry qui a fait l'orchestre de ses
sera placé sur l'avant-scène, vingt derniers ouvrages,p. 58.
dans la salle de Spectacle de - — Réflexions de l'auteur de
Liège, p. 47. — Il est placé en cette notice sur la mélodie et
faccdelalegeduprince-évêque, ^expression qui distingue la
j). 47-48. — En I 782GRÉTKvre- musique de Grétry , ibid. 60.
vientà Liège, p. 48. — Sonarri- — L'harmonie ne devait servir
vée est fêtée par des vers de que d'accompagnement au
Fabre d'Eglaistine , alors co- chant: explication d'un mot
médien disgracié, p. 49. — Le de Grétry à ce sujet, p. 61 . —
succès de cette épître fait Opinion de Grimm sur la mu-
rentrer en faveur l'auteur du sique de Grétry , p. 61-62.
Philinte, p. 50-51 . — Richard- Les Mémoires de Grétry im-
Cœur-de-lion remis en scène primés aux frais du gouver-
tonl récemment avec le plus nement (1797) ensuite d'une
grand succès, p. 51. — Mot du pétition adressée à l'autorité,
Prince Henri de Prisse et ré- dans l'intérêt de l'art, par MÉ-
poosede Gretry, p. 52. — Ceque hcl, Dalayrac, Chercbini, De-
dit M. deGERi.AcnE deRichard , vienne, Lesceur, Gossec, Langlé,
ibid-53. — L'épreuve villageoise Lemoyne et Champeijv, p. 62. —
ibid. — La Caravane, Pa- GKÉTRYenfantdemandaitàDieu
nurge et Jnacréon ibid. — qu'il le fit mourir lejour de sa
La Caravane plus souvent première communion, s'il ne
jouée qu'aucune autre pièce, devait être honnête homme et
p. 54. — Joli quatrain fait après bon musicien, p. 63. — Aimait
Ponurge, p. 55. La musiquede beaucoup son pays, témoij;na-
Grétra obtient encore des suc- ges empruntés à ses lettres à
ces même dansdes traductions, M. Hi.nkart, p. 64, à M. Phi-
ihid. — Opinion de M. Fétis lippe Le.^buoussart, ibid. — Le
sur la musique plus énergique, comte de Livry lui avait fait
dit-il, de Mehui. et de Cherubiini élever une statue; son buste
p. 56. — Efforts que fait par Hoidon ; son portrait en
Grktry pour imiter cette mu- pied par Hubert Lefévre, p.65.
TABLE. 05
— Inauguration de la Place dame qui dem.Tnd.Tit son suf-
Grétry à Liège, p. 65. — Té- frage pour un candidat à l'in-
raoignagesde reconnaissance stitut,p.75 — Il avait épousé la
adressés par Grétry à ses com- fdle du peintre Grandon, p. 76.
patriotes, p. 66-67. Sa tendre — Était l'ami intime de Gkeuze,
amitié pour l'ex-bourgmestre p. 76. — La perte de sa fdle Lu-
Fabrv, pour Henkart et Bas- cii.e fut très - sensible pour
senue, p. 68. — Prend part à une Grétry, p. 77 — Travaillait en-
souscription pour les liouil- eore à un ancien De profundis
leurs (après l'explosion de la qu'on n'a pas retrouvé, huit
houillère Beavjonc), ibid. — jours avant sa mort , ibid. —
Achète risVmiVagre de J.J. Rocs- Mortà l' Ermitage le 24septem-
sEAuà Montmorency pour y pas- bre 1813. p. 78 — La possession
ser le reste de ses jours, p. 69. de son cœur disputée à la ville
— Eloge que fait de son carac- de Liège par M. Flamand, p. 80.
tère M. Bociliy , ibid., 71. — Greize était devenu l'ami
Refuse de faire la musique de intime de Grétt.y qui avait
Blaiseet Babet par délicatesse, épousé la fdle de son ancien
p. 72 — Réponse de Grétry à Ma- maître Grandon, p. 76.
P01.Ê0N , p 73-7-4. — Ce qu'il Grimm. Son compte-rendu de
écrivit sous un dessin de Da- la première représentation du
vin, p. 74. — Sa réponseà une Huron, p. 25-26.
H
Harlez^(de) le chanoine, l'un coursde M. Renard, p. 48. — Ce
des Mécènes les plus zélés du que lui écrivait Grétry en 1807,
jeune Grétry, lui fait obtenir p. 64. — Autre lettre, p. 66. —
du chapitre de Saint-Paul un Auteur desparoles delà cantate
subsidepouralleràRome,p.l3. faite pour l'inauguration de la
— D'Hèie . anglais , auteur de Place Grétry.-p. 67. — Grétry
Y Amant jaloux et du Juge- le mentionne avec Fabry et
ment de Midas,\>. 43. — Loué Basseîyge dans presque toutes
par M. De Gerlache, ibid. — ses lettres, p. 68.
par La Harpe , p. 44-45. — La
pièce des Evénements imprè- Hou don avait fait le. buste de
vus, p. 45. Grétry, en marbre blanc, qui
Henkart cité dans le dis- était au foyer de l'Opéra, p. 65 #
96 TABLE.
La Harpe. Éloge qu'il fait de de Grétry sur le danger de pro-
l' Amant jaloux, p. 44-45. diguer les grands effets de
I.am.i k est un des composi- musique, p. 34. — - Est un des
teurs qui demandèrent l'im- compositeurs qui demandèrent
pression des Mémoires de Gré- l'impression des Mémoires de
try, aux frais du gouvernem 1 . Gretry aux frais du gouverne-
dans l'intérêt de l'art, p. 52. ment, p. 52.
Laruette et sa femme étaient Lesbrodssart (Philippe). Let-
des petits soupers du comte Ire que lui adresse Grétry en
de Crectz : madame Laruette le remerciant de l'envoi de son
en donnait elle-même, où l'on poëme des Belges, p. 64.
essayait la musique de Grétry Lesceur partageait l'opinion
au piano, p. 30. de Grétry sur le danger de pro-
Lebreton (Joachim) secrétaire diguer les grands effets de
de la classe des beaux arts de musique, p. 34. — Est un des
l'institut royal de France a pu- compositeurs dramatiques qui,
blié une vie de Grétry en dans l'intérêt de l'art, deman-
1814. p. 6. dèrent l'impression des Mé-
Leclerc , depuis maître de moires aux frais du gouverne-
musique à la cathédrale de ment, p. 52. — Assistait aux
Strasbourg , fut le premier fuérailles de Gretry, p. 70. —
maître qui développa les dis- Livry (le comte de) avait fait
positions du jeune Grétry, p. 9. élever une statue de Gretry
Lefevre (Robert) avait fait le dans le vestibule de la comédie
portrait en pied de Grétry qui italienne, p. 65.
était dans la salle d'assem- Lucile Grétry , la seconde
bléede Y Opéra Comique, p. 65. fille de Grétry, avait fait à 13
Lemoine partageait l'opinion ans un opéra qui réussit, p. 77.
M
MARMORTEL.LecomledeCreutz la préférence sur tous les au-
le décide à donner à Greihy 1res auteurs d'opéras. — Fis
son opéra du ///mm, p. 24.- font ensemble Lucile,p.%l..
GftfcTHY rcconiiaissanllui donne L 1 (mi de la maison loue par
TABLE. 97
M. DeGerlachecI par Pujoulx, Monsigny le plus habile des
p. 38. précurseurs de Grétry à l'O-
Marsollier tenait un des péra comique, p. 17-22. — Sa
quatre coinsdu drap mortuaire partition de Rose et Colas dé-
auxfunéraillesdeGRÉTRY,p.79. cida Grétry à quitter Rome
Méhul a fait un éloge de pour aller à Paris travailler
Grétry à ses funérailles, p. 6. — dans le même genre, p. 17-18.
Partageait l'opinion de Grétry Monvel, auteur de Biaise et
sur le danger de prodiguer les Babet, voulait que Grétry en
grandseffetsdemusique,p.34. fit la musique; Grétry le ren-
Sa musique dramatique plus voye à Dezaides qui avait fait
énergique que celle de Grétry, la musique des Trois Fer-
p. 56. — A demandé l'impres- miers , p. 72.
sion des Mémoires de Grétry , Moreatj, maître de chapelle
aux frais du gouvernement, de Saint-Paul donne des leçons
dans l'intérêt de l'art, p. 62. de contrepoint à Grétry, p. 12.
N
Napoléon. — Parfois un peu Niooi.o (Isouard) assistait aux
brusque. Réponse que lui fit funérailles de Grétry dont il
Grétry , p. 7S-74. aimait à se dire l'élève, p. 70.
Panseron, père, auteur de Phïlidor, l'un des premiers
l'orchestration des vingt der- compositeurs d'opéras comi-
niers opéras de Grétry, p. 58. ques français qui eurent du
Pergolèse, sa musique jouée succès, p. 17-22.
à Liège par une troupe ita- Picciru avait continué le
lienne développa l'instinct mu- genre naturel et gracieux de
sical du jeune Grétry, p. 9. — Sa Pergolèse: on le jouait à Rome,
Serra padronaimpire à Grétry au moment où y arriva Gré
encore fout jeune, l'idée de try. p. 15. — Applaudit aupre-
l'opéra-bouffe-français , p. 12» mier essai dramatique de Gré
Persuis assistait aux funérail- try, p. 16.
les de Grétry, p. 70. — C'était Pojoclx, auteur delà notice
lui qui devait diriger l'exécu sur Grétry insérée dans la
tion du De profundis que Gré- Biographie universelle, p. 6 —
try avait fait pour son propre Ce que lui dit Grétry à propos
convoi et qu'on n'a pas retrou- d e X Ami de la maison, p. â9.
vé, p. 77, 78.
98
TABLE,
R
RENARn-CoLLAuniN a prononce cœur de Grétry , à la ville de
un discours au nom de la So- Liège, p. 7.
ciété Grètry , en 1829 , à l'oc- Rousseau (J. J.) aimait beau-
casion de l'arrivée du coeur de coup la musique du Tableau
Grétry à Liège , p. 7. — Éloge Par/anf.p.29. — Son'entretien
qu'il fait du prince Velbruck, à avec Gketry à une représenta-
l'occasion du retour de Gketry tion de \a Fausse flfagie, p.39-
à Liège, p. -18-49. -40. — Rupture subite, p.-iO.—
Rcf^EKir», organiste delà col- Son Ermitage à Montmorency
légiale de Saint-Denis , donne acheté par Grètry , p. 69-70.
des leçons d'harmonie à Grê- Rouveroy (Frédéric) le fa-
try, p. 12.. buliste liégeois , ce que lui
Rogier (Cfiari.es) a prononcé écrivait GRÉTRYen 1810. p. 6-4.
un discours, au nom de la — Auteur d'un chant fait pour
Société d'Emulation, en 1829, l'inauguration delà place Gré-
à l'occasion de la remise du try, p. 67.
S
Sacchim. mità-peu-près d'ac- Sedawe. le naturel de son
cord les Gluckistes et les Pic- style et la coupe de ses vers
cinistes par le succès de son plaisaient à Grètry , comme
OEdipe àColone.yt.'-ML. — Pré- favorables à la musique, p. 22.
caution qu'il prenaitde se faire — Le style d 1 Aucassin et iXico-
déclamer les vers français par lette pas aussi naïf que la mu-
les meilleurs acteurs, avant siqne , p. 45.
d'y mettre la musique, p. 32.
V
Velbruck ( Prince-évêque Grétry, qu'il appelle musicien
de Liège). C'est sous son règne homme d'esprit, p. 20-21. —
que Grétry revint dans sa Envoya à Gketry. un opéra co-
ville natale. — Son éloge par mique le Baron d'Otrante. —
]\I. RE>ARD-CoLLARDi?«,p. 48-49. Etrange succès de ce poème
Verivet . le peintre de ma- présenté comme l'œuvre d'un
rino était de la société habi- jeune auteur , p. 21-22. — Son
tuelle de Grétry. Mot de ce quatrain à propos du Jugement
dernier sur Vernet, p. 31. de Midas, p. 43.
Voltaire. Accueil qu'il fait à
tioutirllee p«bticottone î>c l'Imprimerie fce fêli* (Ehtitari.
\° VIES DE QUELQUES BELGES, contenant îles Notices
biographiques sur Ph. de Comsines; — Carlier. — Fassin.
— Lambrechts. — Le général Jardon. — Plasschaert. —
Le général Ransonnet et ses quatre fils, par Félix
Vais Hulst.
2° NOTICE sur René Sluse, par le mêm&
Sous presse :
i° MELANGES DE CRITIQUE LITTÉRAIRE, l vol. in-8-,
par Félix Van Hulst.
2° LA BELGIQUE LITTERAIRE AU XVI e SIECLE , con-
tenant des Notices sur Christophe de Longuet*,, Clénard,
Gearles de Langue s Laevînus Torrentius , les Orams
ou d'Heur , Arnold de Wachtendonck , Jean Let.nout,
Victor Giselin, Plantin, Morettjs, Raphelengius, Jean
Lievens , André de Paep , Pierre van Dieve , André
Vésale , Charles Lécluse , de Lobel, Dodonnée, Auger
Busbecq, Abraham Ortélius, Gérard Mercator , Simon
steven , van meteren , vlvianus , hubert goltzit s .
Lambert Lombard, Otto Vjenius, Dom. Làmpson, André
Schott , Juste-Lipse , Jean Griter, etc. Sera publié
par livraisons qui formeront deux volumes in-8°, par le
même.
3" NOUVELLE TRADUCTION DE LUCIEN. Le premier
vol. contiendra les Dialogues des morts.— Caron ou les
OBSERVATEURS. — DES SACRIFICES. — LES PHILOSOPHES A
l'encan. — Le Pécheur ou les ressuscites. — Et Le
Tyran ou la traversée, 4 vol. in-.8°; par le même.
ML
410
G83H8
Hulst, Félix Alexandre
Joseph van
Grétry
fJhOf
PLEASE DO NOT REMOVE
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